Chapitre 15 – Frémissements dans l’ombre

La tension dans l’air était presque palpable lorsque les chasseurs de rang S assignés au nettoyage descendirent des camions blindés aux couleurs de l’Association Britannique. Vêtus d’armures renforcées de fibres de mana, chacun d’eux portait des insignes de haut grade. Ils s’avançaient en formation serrée, les yeux fixés sur les ruines noircies du quartier contaminé par le portail.

Mais lorsqu’ils aperçurent, alignés au cœur du champ de décombres, les silhouettes figées des quatre chasseurs de rang S nationaux – Himura Raijin, Mo Han, Xiao Zhen et Choi Dal-Mi – un frisson collectif parcourut leurs rangs.

Et puis ils virent lui.

Gareth Crowley.

Debout au milieu de l’asphalte déchiré, une clope fumante aux lèvres, les bras croisés sur sa claymore plantée dans le sol. Sa stature imposante, son regard froid, et la cicatrice barbare sur son œil droit, tout en lui hurlait : danger.

— C’est… C’est le Chasseur Exécuteur, souffla l’un des nettoyeurs, reculant malgré lui.

— Pourquoi… Pourquoi tous ces monstres sont ici ? gémit un autre.

Même les vétérans du groupe, des chasseurs de rang A expérimentés, semblaient mal à l’aise.

Mo Han les observa un instant, analysant leur posture : têtes basses, formation brisée, mains nerveuses. La simple présence des quatre puissants étrangers, plus Gareth, avait suffi à provoquer une onde de choc psychologique. Ce n’était plus une mission de nettoyage… C’était une partie d’échecs entre dieux, et eux, ils n’étaient que des pions.

Choi Dal-Mi s’approcha calmement de leur capitaine, une femme d’âge moyen à l’allure rigide.

— Vous êtes ici pour sécuriser le portail ? demanda-t-elle.

—... O-Oui, mademoiselle. Mais on nous avait pas dit qu’il y aurait autant de… de légendes sur place, balbutia la femme, en jetant un regard inquiet vers Gareth.

— Alors faites votre travail. Et ne les regardez pas. Vous risqueriez de ne plus jamais dormir.

Pendant ce temps, Gareth souffla une volute de fumée, sans même jeter un regard aux nettoyeurs.

— Pathétiques… murmura-t-il.

**

À quelques kilomètres de là, dans un autre district plongé dans l’ombre, Elinor avançait avec prudence.

Elle avait suivi l’étrange présence depuis le toit de l’immeuble, glissant de ruelle en ruelle, jusqu’à se retrouver au milieu d’un quartier abandonné où la magie semblait brouiller toute perception.

Les lampadaires y clignotaient de façon irrégulière. Les ombres paraissaient vivantes. Chaque pas résonnait trop fort. Elle était seule. Ou presque.

Ses cheveux blonds, aussi éclatants que le soleil, flottaient autour d’elle à chaque mouvement. Ses yeux vert turquoise scannaient les recoins obscurs, tandis qu’elle s’armait mentalement de la moindre parcelle de mana prête à jaillir au moindre signe de danger.

— Où est-ce que je suis tombée ?... chuchota-t-elle.

Elle n’avait pas prévu de s’égarer. Mais cette présence… elle l’avait sentie. Une énergie étrange, familière, mais distordue. Comme une voix oubliée dans un rêve.

Soudain, un son.

CLANG.

Un bruit métallique. Fort. Lourd. Comme une arme qu’on jette au sol. Elinor se plaqua contre un mur, sa respiration ralentie, tous ses sens en alerte.

Puis elle entendit… des voix.

— …Il a échappé à l’unité d’extraction.

— Imbéciles. Il ne devait pas survivre. C’est pour ça qu’on vous a envoyés dans ce foutu portail.

Les voix venaient d’un entrepôt délabré à l’angle d’une rue.

Elinor s’approcha, en silence, jusqu’à atteindre une fenêtre brisée. Elle jeta un œil à l’intérieur… et son cœur se figea.

Ils étaient là. Trois silhouettes masquées, encapuchonnées, entourées de cristaux d’invocation fissurés, alignés sur une table de métal. Leur mana était noir, fluctuant, impur. Pas tout à fait humain.

— Le Conseil soupçonne quelque chose. Ces chiens étrangers, ils sont là, et ça nous complique tout.

— Peu importe. Ils se disputeront entre eux. C’est dans leur nature.

Elinor recula instinctivement, une bourrasque de mana émanant de ses paumes.

Elle ne savait pas qui ils étaient… mais elle comprenait désormais que le portail n’était pas un accident. C’était une diversion. Une mise en scène. Une chasse.

Un craquement sous son pied.

— Chut. Vous avez entendu ?

Trop tard.

La porte métallique explosa sous une onde de mana noire. Elinor fut projetée en arrière dans une gerbe d’étincelles. Son dos heurta violemment le bitume, mais elle se releva immédiatement, haletante.

Les trois silhouettes sortirent en silence.

— Tiens, tiens… On a trouvé un petit oiseau doré.

L’un d’eux leva la main. Une sphère d’énergie sombre se forma dans sa paume.

Mais Elinor, ses yeux turquoise brûlant d’une lueur vive, n’avait pas l’intention de fuir.

Elle se redressa, craquant les doigts.

— Je ne sais pas qui vous êtes… mais vous n’avez aucune idée de qui je suis.

Le mana explosa autour d’elle. Une onde dorée s’éleva, illuminant la nuit comme un soleil miniature.

Le chapitre se termine alors que les deux forces opposées, la lumière d’une chasseuse oubliée et les ténèbres d’un complot, s’apprêtent à s’affronter.

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