Chapitre 1 : Balade en forêt

Point de vue de KOMA WORLD

Je toquai à la porte. J’entendis le prof me dire d’entrer. “Bonjour monsieur, s’il vous plaît excusez-moi du...”. Je n’ai pas eu le temps de finir ma phrase.

“EST-CE QUE TU AS VU L’HEURE ?!”, crie-t-il.

“Je suis désolé je n’ai pas réussi à me...”

“JE M’EN FOUS DE TES EXCUSES ! JE NE T’ACCEPTE PAS, VA EN PERMANENCE !”

J’avais l’habitude. Je claquai la porte. Le couloir me semblait interminable. Cet établissement m’a toujours fait peur.

Le sol qui contenait des trous, les murs décrépit, le plafond qui laissait passer quelques gouttelettes d’eau de temps en temps...

Toutes ces choses réunies donnaient l’impression de se faire écraser.

Nous étions en décembre, et je croyais pourtant avoir déjà passer au moins quatre ans dans ici, alors que ça faisait à peine quatre mois. J’en avais déjà marre.

J’arrivai enfin devant la salle de permanence. Beaucoup de places étaient vacantes, mais il y en avait quand même de prises.

Parmi celles-ci, il y avait un groupe de dernière année. Rien qu’à les voir, je comprenais ce qu’on disait sur eux.

Ce sont des brutes. Ils sont réputés pour embêter les plus petits qu’eux. Les rumeurs disaient vrai.

L’un d’eux prit la parole. “Eh les gars ?”, les autres arrêtèrent ce qu’ils faisaient, et regardèrent tous vers la chose que pointait leur ami.

Et cette chose était un élève. Il continua. “Vous savez ce qu’on doit faire ?”

Je me mêlai de la conversation. “Non dis-nous ?”. Ils se retournèrent vers moi. “Bah quoi ?”, dis-je d’un ton sarcastique.

“Ah bah tiens, t’es dans le même cas que lui.”, dit l’un du groupe, en faisant le signe pour me dire qu’il parlait de mes lunettes.

Je bouillai à l’intérieur. “Un problème avec mes lunettes peut-être ?”

“Exact. On déteste les mecs dans ton genre, les intellos à lunettes”, dit le même garçon. Ils se retournèrent, pensant que j’en avais fini.

“Je préfère avoir des lunettes qu’une tête de bite.”, dis-je, tel un enfant de cinq ans.

Le groupe rigola, sauf le concerné, qui se retourna. “Je crois que j’ai mal entendu.”

“Faudrait songer à aller voir un ORL alors, c’est urgent là je crois.”. Le groupe rigola encore plus.

Il se leva, et avança vers mon bureau, l’air énervé. Ses poings étaient serrés.

Malgré qu’il arrive, je restai assis. Mais lui, en décida autrement. Il me prit, et me plaqua contre le mur. Comme il était plus grand que moi, mes pieds ne touchèrent pas le sol.

“Tu commences à me gonfler à essayer de faire le grand devant nous. Redescends.”, dit-il, en me lançant pleins de postillons qui me donnaient envie de gerber.

Le reste du groupe alla embêter le garçon qu’il avait pointé du doigt il y a deux minutes. Voyant la scène, je décidai d’agir une nouvelle fois.

Je mis ma main droite sur le visage de mon agresseur, pliai mon genou droit et collai la semelle de ma chaussure contre le mur. Je me donnai une impulsion assez forte pour que nous basculions.

Il tomba net en arrière contre le sol, le crâne fracassé. Le bruit du contact entre l’arrière de sa tête et le planché résonna dans la salle.

Ses amis regardèrent vers la source du bruit, et me virent arriver vers eux, avec derrière moi le corps de leur ami complétement inconscient après le choc.

Ils lâchèrent le garçon. J’étais devenu leur nouvelle priorité.

Ils étaient à la fois en état de choc, et énervés. “QU’EST-CE QUE TU LUI AS FAIT, LE BINOCLARD ?”.

Même moi je ne le savais pas. Je ne m’étais jamais battu auparavant. Pourtant, j’étais prêt à le faire. Eux n’étaient probablement pas à leur premier essai. J’étais confiant.

Il y en avait un devant, et les deux autres étaient derrière. Celui de devant avait les jambes un peu écartées.

Mon corps a agi tout seul. Je courus jusqu’à lui, glissai entre ses pieds pour les attraper, et ainsi le faire tomber de face contre le sol.

Je terminai ma glissade et me relevai. Les deux restant s’élancèrent sur moi des deux côtés. Je fis un bond en arrière pour esquiver, et les deux se cognèrent.

Je me frottai les mains pour enlever la poussière qui était dessus avant d’aller voir la victime.

“Tout va bien ? Ils ne t’ont pas fait mal ?”, dis-je d’une voix calme.

“Non, j’y ai échappé de peu, grâce à vous. Merci infiniment.”, disait-il en s’inclinant en gage de politesse.

J’étais gêné de la situation. “Oula pas besoin d’autant de remerciement. Et pourquoi tu me vouvoies ? On a le même âge tu sais ?”

“Mes parents m’ont toujours dit de respecter les gens qui m’aident. Et vous êtes la première personne qui me vient en aide.”

“Je ne sais pas trop comment réagir je t’avoue.”, ai-je dit en me grattant l’arrière du crâne. “Au fait, c’est quoi ton nom ? Et tutoies moi s’il te plaît, je suis un peu mal à l’aise là”

“Je m’appelle Suto, et toi ?”

“Merci d’enfin me tutoyer. Je m’appelle Koma.”

“Enchanté, Koma ! Au plaisir de te recroiser !”

“De même !”. Je me rasseyais à ma place, et attendait la sonnerie. Le reste de l’heure était long.

Quand la sonnerie retentit, je me levai, et sortis de la salle pour aller au prochain cours.

Je finis enfin la journée. J’en avais marre. Je courus au fleuriste le plus proche, il était l’heure d’aller chercher les fleurs. Je ne mis que quelques minutes à atteindre la boutique.

À l’intérieur, des explosions de couleurs de toute part. Les murs, les sols et les plafonds étaient recouverts de centaines de fleurs.

Les plantes n’étaient pas mon domaine. J’allai donc demander conseil au vendeur.

“Besoin d’un renseignement ?”, dit-il, souriant.

“Je ne m’y connais pas trop en fleurs donc oui. Je ne sais pas lesquelles prendre.”

“C’est pour vous ? Famille ? Ami ?”

“C’est pour un enterrement.”

Le sourire de mon conseillé redescendit d’un coup. “Ah oui effectivement... Il y a les chrysanthèmes, si cette personne était un de vos proches. Sinon, des lys feront l’affaire.”

“Quelles sont les moins chères ?”

Je ressortis du magasin, chrysanthèmes en main. Il me restait très peu de temps avant le début de la cérémonie. Je pris la décision de passer par un raccourci que je n’avais jamais essayé : la Grande Forêt.

Personne n’ose s’aventurer dedans. Et une fois à l’intérieur, je compris pourquoi c’était le cas : les innombrables arbres cachent tous les moindres rayons de lumière.

Le sentier était sombre, mais malgré cela, j’arrivais à avancer sans me prendre un seul arbre. Peut-être étais-je nyctalope ?

Après quelques temps dans les bois, j’entendis des voix lointaines. Au début, je pensais être fou. Mais les voix se rapprochèrent de plus en plus vite de moi : on me suivait. Je me cachai derrière un arbre, et attendis que les gens passent.

“Putain... on ne voit vraiment rien ici...”, se plaignit l’un d’eux.

“Arrête de te plaindre un peu. On a une tâche à accomplir si l’on veut rester en vie.”, lui rétorqua son collègue.

“Je n’en reviens pas que son plan ait marché. L’autre est complètement tombé dans le panneau”, répondu un autre.

Il nous avait prévenu de faire attention, mais notre cible est + crédule qu’il ne le pensait”, dit le deuxième.

Ils passèrent à côté de moi, sans me voir à cause de la pénombre. Je les reconnus. C’était ceux en permanence. Qu’est-ce qu’ils pouvaient bien faire ici ? Et c’est qui ce “il” ? Et cette mission aussi... Trop de questions dans ma tête qui resteront probablement sans réponses...

Ils reprirent la discussion après un moment de silence, comme s’ils attendaient que je finisse de parler intérieurement. L’un d’eux prit une grosse pierre.

Ces deux amis écarquillèrent grand les yeux. Ils s’imposèrent. “QUOI MAIS T’ES MALADE !? TU VEUX LE BUTER OU QUOI !?”, s’exclamèrent-ils, ahuris.

“Vous avez oublié ce qu’il a fait à Tom ? Il faut le venger. Et puis, on doit suivre la mission. Si vous n’avez pas de couilles, barrez-vous, et laissez-moi finir le bouleau tout seul”, dit-il.

Ça. Ce qu’il vient de dire. La cible. C’est moi. Il avait l’intention de me tuer.

“La mission c’est de le ramener en vie, pas avec la boîte crânienne fendue en deux.”, me défendit l’un d’eux.

Il s’énerva. “J’m’en branle. Personne ne me donne d’ordre. Et encore moins un bouffon comme toi.”

“Non, effectivement. Par contre, j’peux te dénoncer pour meurtre de gosse, ça claque sur un CV ça.”, retorqua-t-il.

“Ouais et moi je peux dire que tu étais mon complice, ça claque ça aussi non ?”

Je sortis de ma cachette. Mon corps avait bougé tout seul. “Bon vous avez fini de vous disputez les deux ?”

Ils se retournèrent en ma direction, choqués de ma présence. L’un pris la parole.

“QUOI MAIS QU’EST-CE QUE TU FAIS LÀ ?!”, dit-il en hurlant.

“Je crois que c’est à moi de vous poser cette question.”, répondis-je, d’un ton sec.

Il avait l’air paniqué. “Tu ne nous a pas entendu... si ? ...”

“On vous entend aboyez à des kilomètres. Je ne vous embaucherai pas en tant qu’agent secret, ça c’est sûr.”, dis-je sarcastiquement. Je m’approchais un peu plus d’eux, les poings serrés.

“Épargnes-nous, s’il te plaît.”, dit l’un d’eux, en mettant ses deux genoux par terre.

“Qui est la personne qui vous a demandé de me suivre ?”, dis-je d’un faux air sérieux.

“Si je te le dis tu nous épargne ? ...”

“Je déciderai de ça après.”

“Bon d’accord... C’est S..”, un coup de feu retentit. Puis deux. Puis trois. En l’espace d’un instant, les trois harceleurs se sont fait tuer devant moi. Le sang jaillissait de leur crâne perforé par la balle.

J’étais en panique. Même si parfois j’essayais de jouer le dur, là, il m’était impossible de tenir le rôle. Ma respiration était saccadée. Tout comme mon rythme cardiaque.

J’entendis quelqu’un courir en ma direction, mais impossible d’avoir un visuel. Ma vue était brouillée par des larmes tentant de s’échapper de mes yeux. J’enjambai les cadavres au sol en faisant attention à ne pas poser les pieds dans leur hémoglobine. Eh oui, j’avais des chaussures presque neuves. Même en temps de danger, on ne perd pas le sens des priorités.

Ayant fini de joncher les corps, je tapais un sprint dans une direction au hasard, pensant réussir à duper le tueur. Mais je n’étais pas assez intelligent. Je me pris un coup sec dans la nuque, ce qui m’arrêta dans ma course, et me rendit inconscient.

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Point de vue de L’ASSAILLANT

Je jetai au sol la pierre avec laquelle j’avais éclaté son crâne. Ces bouffons ne sont pas foutus de fermer leur gueule. Au moindre problème ils se chient dessus et me balance. Je n’aurais pas aimé être leur voisin en 1940.

Mes yeux se dirigèrent naturellement vers les trois corps morts. Ils ont eu ce qu’ils méritent. Puis mon regard se posa à mes pieds, sur son corps inconscient. On m’a dit de ne pas le tuer lui.

Le destin soi-disant. Il doit rester en vie pour une raison que j’ignore. On ne m’a jamais interdit de tuer qui que ce soit. Il doit vraiment être spécial, celui-là.

Je n’eues pas le temps de me poser que mon téléphone sonna.

“Qu’est-ce que tu branles ? Tu n’étais pas censé les tuer. Et surtout pas nous abîmé le blond”, me dit mon interlocuteur.

“Ils allaient me balancer, tu voulais que je fasse quoi ? Et puis, tu penses sincèrement qu’il allait me suivre tranquillement sans poser de question ? - Suis moi et saute ! - T’es con toi.”, lui répondis-je d’un ton légèrement agacé.

“Très marrant. Fie-toi au plan, pas d’improvisation. Jette le dans le lac sans perdre de temps maintenant. Le temps presse.”, me répondit-il froidement.

“Oui chef !”. Quel enculé. Même si ce que j’ai dit était sarcastique, je n’en reviens pas d’être sous les ordres d’un débile pareil. Après ça, c’est fini. Je me casse.

16ans que je bosse pour lui. 16 putains d’années que je suis bloqué avec lui. Je venais à peine de sortir du ventre de ma mère qu’il m’a demandé de tuer des gens. Le pire c’est que je l’ai fait. Je ne tenais même pas sur mes deux pieds que j’allais buter des humains. J’ai plus été tâché par du sang que par du lait.

Il était temps d’en finir. Ce sera ma dernière mission sous ses ordres. Je vais enfin prendre mon envol après toutes ses années merdiques sans la moindre liberté. Je vais finir sa en beauté en jetant ce mec dans le lac. C’est finalement la chose la plus banale que j’ai pu faire dans ma vie je crois.

“Bon tu le jettes ?”, me dit l’ordure, toujours au bout du fil.

Je portai le corps de Koma, et le jeta loin du bord. Ça aide d’être fort physiquement. “C’est bon”, dis-je à mon soi-disant chef.

“Bien, rentre maintenant. Tu vois que tu peux être obéissant des fois, Suto.” Je raccrochai et balança mon téléphone au milieu de la grande étendue d’eau.

Je m’avançai au plus proche du bord, et soufflai. Le vent commença se lever. Il n’y avait pas de tempête de prévue pourtant. Peu importe.

De grandes bourrasques arrivèrent en face de moi. Ma capuche s’enleva, laissant ma tête à la merci du vent.