Chapitre 4 : Début du Règne(1)

Le silence de la nuit était total.

Pas une brise. Pas un murmure.

Dans les profondeurs du vieux temple, Harth Von Barry se tenait seul, face à l'écho de la Genèse, pour la dernière fois.

La silhouette informe dansait autour de lui, vaporeuse, vibrante, porteuse d'une dernière question :

"Créateur... ou Destructeur ?"

Le choix semblait simple.

Binaire.

Obéissant aux règles classiques de lumière et d'ombre.

Mais Harth n'était pas fait pour suivre.

Il leva lentement la tête, et sa voix coupa l'air comme une lame nue :

— Je serai les deux.

Le murmure se figea, surpris.

Harth s'avança d'un pas.

— Un créateur pour les miens. Un destructeur pour mes ennemis. Un fléau pour ceux qui me trahissent. Un sanctuaire pour ceux qui me suivent.

Son regard brillait d'une lueur froide.

— Je bâtirai, et je briserai. Je protégerai, et j'annihilerai. Telle sera ma loi.

L'écho vibra une dernière fois.

Puis, lentement, il se dispersa...

Ne laissant derrière lui qu'un souffle d'air froid.

L'ère des anomalies était terminée.

L'ère de Harth commençait.

Le lendemain, le duc Kalzar Van Barry le convoqua dans la salle d'audience principale.

D'un geste dédaigneux, il présenta deux hommes agenouillés devant lui :

Codi Dhaz, ancien intendant de la branche mineure de Barryland, maître de la gestion, des finances et des intrigues domestiques.

Steel Nox, vétéran de guerre, garde du corps impitoyable, connu pour sa discipline et sa brutalité.

— Voici tes serviteurs, Harth. Fais-en ce que tu veux. Leur loyauté appartient à ma maison.

Le duc les regarda de haut, indifférent.

Mais Harth, lui, sourit intérieurement.

"Pas pour longtemps."

La première leçon que Harth donna à ses deux nouveaux vassaux fut brutale.

Il ne donna aucun ordre immédiat.

Pas de mission.

Pas d'instructions.

Pendant trois jours, il les laissa sans directives, sans soutien, sous une pression constante :

Surveillance secrète.

Rumeurs internes savamment orchestrées.

Retrait total de soutien politique.

Codi Dhaz, l'intendant, commença à douter.

Steel Nox, le garde, se replia sur son instinct de survie.

Puis, au quatrième jour, Harth les convoqua dans la salle basse.

Seul.

Sans témoin.

Il s'assit tranquillement et leur parla :

— Vous étiez les chiens du duc. Bien dressés. Obéissants.

Ses mots étaient calmes, tranchants.

— Mais moi, je ne veux pas de chiens.

Il se leva lentement.

— Je veux des loups. Des bâtisseurs. Des fauves silencieux qui ne plient pas sous la peur mais qui la brandissent comme une arme.

Il fixa Codi, puis Steel, sans une once de pitié.

— Si vous restez ce que vous étiez, je vous briserai. Si vous renaissez selon ma vision... vous deviendrez immortels.

Le choix était posé.

Accepter la métamorphose... ou disparaître.

Pendant ce temps, Torren et Liséa subissaient un entraînement infernal, orchestré secrètement par Harth :

Torren était plongé dans des épreuves physiques et mentales extrêmes, apprenant à combattre sans armes, à penser en Marechal de guerre, à commander dans le silence de la terreur.

Liséa, elle, affrontait une formation d'esprit encore plus cruelle : elle devait réapprendre à parler, forçant son Æther à restaurer ses cordes vocales à travers des rituels douloureux et des exercices de mémoire inhumains.

Chaque jour était une torture.

Chaque nuit, un combat contre l'abandon.

Mais peu à peu, la transformation s'opérait.

Torren, brisé et reconstruit, devenait le bras droit parfait, un chef des Ombres capable d'éteindre une rébellion avant qu'elle ne naisse.

Liséa, de son côté, ressentait peu à peu la vibration de sa propre voix.

Chaque syllabe était une victoire.

Elle deviendrait la Maîtresse des Archives, la gardienne du savoir futur de Harth.

Ils ne seraient plus jamais des pions.

Ils deviendraient les piliers de son futur domaine.

Après la fin de l'apparition de l'Écho, Harth ressentit une étrange stabilité.

Le monde avait cessé de vibrer sous son pas.

Les anomalies avaient disparu.

La trame du monde, autrefois fendue, commençait à se refermer...

...autour de lui.

Il était devenu un point fixe.

Un pivot.

Et désormais, plus personne ne pourrait l'ignorer.

Pas les Clans.

Pas l'Empire.

Pas même les Anciens qui, dans l'ombre, l'observaient.

Dans l'ancienne crypte du domaine Von Barry, là où la lumière ne pénétrait plus depuis des siècles, Codi Dhaz et Steel Nox s'agenouillaient devant Harth.

Leur visage était fermé.

Leur esprit en chaos.

Mais leur cœur... battait au rythme d'un nouveau serment.

Brisés, puis reconstruits sous la volonté de leur nouveau maître.

Harth s'approcha lentement, portant un simple poignard noir — symbole du pacte d'ombre qu'il imposait.

— Ce n'est plus le duc Kalzar que vous servez, déclara-t-il d'une voix calme, mais implacable.

— C'est moi. Ma vision. Mon avenir.

Il tendit le poignard.

Sans un mot, Codi s'entailla la paume et déposa son sang sur le marbre noir.

Steel suivit.

Le serment fut scellé.

Non par magie.

Non par un contrat démoniaque.

Mais par l'irréversible acceptation d'un futur où Harth serait le seul pilier.

Ainsi naquirent les premiers Loups du Néant.

Teyra Yshar, maîtresse-espionne du Clan du Poison, errait depuis des jours dans les recoins du domaine.

Déchirée.

Tiraillée entre sa loyauté au Clan et... une intuition profonde que Harth était plus grand que tout ce qu'elle avait connu.

Finalement, incapable de supporter l'ordre de tuer sans comprendre, elle revint.

Cachée dans les ombres de la vieille serre, elle regarda Harth entraîner Torren et Liséa, avec une dureté froide, mais une précision sans faille.

Elle vit Codi Dhaz et Steel Nox, autrefois si fiers, si arrogants, accepter leur nouveau rôle avec une fierté silencieuse.

Et alors, Teyra comprit :

"Ce garçon... bâtit un empire. Pas un royaume visible. Un empire souterrain, immortel."

Elle serra les poings.

Elle n'était pas encore prête à plier.

Mais elle savait une chose :

Harth Von Barry deviendrait quelque chose que le monde n'avait jamais vu.

Et elle serait témoin.

Ou victime.

Dans les montagnes au nord du duché et a l'extérieur de l'empire, à l'orée d'une ancienne vallée oubliée des cartes, Harth découvrit une ruine abandonnée.

Les vestiges d'une ancienne forteresse, dont les pierres, rongées par le temps, vibraient encore de magie ancestrale.

C'était parfait.

— C'est ici que tout commencera, murmura-t-il.

Avec Codi Dhaz en maître d'œuvre et majordome, Steel Nox en garde du corps, Torren comme futur bras droit, et Liséa pour cataloguer les savoirs, Harth lança secrètement la restauration du site.

Pas pour construire un simple manoir.

Mais un sanctuaire d'ombres.

Un futur bastion.

Un lieu où il régnerait sans partage.

Un domaine caché du regard des rois et des empereurs.

Le futur cœur battant de son armée de l'ombre.

Mais alors que la construction secrète débutait, une nuit d'étoiles mortes, deux présences se matérialisèrent devant Harth.

Pas dans la vallée.

Pas dans le domaine.

Dans son propre esprit.

Sol-Nimor, le Nécride

Un frisson traversa Harth alors que l'air devint glacial.

Une forme d'ombre, sans chair, sans visage, surgit devant lui.

Sol-Nimor, gardien des frontières de la mort.

Sa voix résonna, froide et lourde :

"Portant l'Écho, tu marches sur la frontière des morts et des vivants."

"Nous t'observerons, Étranger. Car si tu dévies... nous te réclamerons."

Puis, sans laisser de traces, il disparut.

Dame Veleshia, la Mère du Sang

À peine Sol-Nimor dissipé, une brume pourpre envahit l'espace.

D'une grâce effrayante, Dame Veleshia, la première vampire, apparut.

Sa beauté mortelle éclipsait les étoiles.

Elle s'approcha lentement de Harth, effleurant son visage sans le toucher.

— Tel un Phénix noir, tu renaîtras... ou tu consumeras ce monde.

Sa voix était une caresse empoisonnée.

Elle pencha la tête, un sourire cruel aux lèvres.

— Je t'observerai, petit roi. Peut-être te suivrai-je... ou peut-être te dévorerai-je.

Et elle disparut, laissant dans l'air un parfum métallique et sucré.

Au matin, Harth ouvrit les yeux.

Pas effrayé.

Pas surpris.

Mais prêt.

Le monde ancien avait tendu l'oreille.

Les survivants de la Genèse avaient remarqué sa naissance.

Et lui...

n'était plus un simple bâtard.

n'était plus un spectateur.

n'était plus un jouet du duché.

Il était devenu une force.

Un créateur.

Un destructeur.

Un Écho et le futur ¨ECHO¨ vivant.