Chapitre 4 : La Forêt des Ombres Douces

Elle est reine mais aussi écoute elle est silence mais aussi refuge et dans la forêt des ombres douces...elle est tout simplement chez elle.

Le matin s'était levé sans tambour ni gloire un de ces matins pâles, bleus, presque discrets, comme si le jour lui-même s’excusait d’avoir troublé le sommeil des tours.

Au sommet de la tour d’azur, Saphira Noctielle était assise sur son trône elle n’avait pas encore parlé. elle n’en avait pas besoin. Le silence de la pièce était assez vaste pour contenir tout ce qu’elle aurait pu dire. La lumière entrait en biais par une fenêtre transparente, drapée de reflets calmes une fine vapeur s’élevait d’une tasse de thé blanc, posée près d’elle infusé par Élya, avec ce soin muet que seules les poupées bien-aimées savent offrir.

Autour d’elle, tout semblait en pause.

Diva était ailleurs, probablement en train de bondir à travers les dimensions à la recherche d’un nouveau frisson ou d’un snack intra dimensionnel.

Destiny lisait, quelque part dans la bibliothèque mobile, plongée dans un tome qu’elle était peut-être elle-même en train d’écrire en le lisant.

Kael méditait dans la salle du souffle ancien, là où les pierres parlent sans mots.

Et Saphira, elle, se contentait de regarder pas un monde pas une page Le vide mais un vide apaisé, vivant, presque doux.

C’est alors que l’air changea.

Pas une alarme pas une menace juste... une variation subtile dans la trame du moment. Un frisson qui ne venait pas de la peur mais de l’invitation quelque chose... appelait.

Elle tourna la tête.

Sous la tour, à peine visible entre deux brumes, flottait une silhouette floue elle n’avait ni yeux ni bouche, mais elle était pourtant pleine de murmures elle était faite de feuilles anciennes, de vent qui s’était endormi, de mots qu’on n’avait jamais prononcés.

Et dans son silence, elle disait :

« Viens. Il y a une forêt que tu n’as pas encore rêvée. »

Saphira ne répondit pas.

Elle se leva simplement.

Sans geste brusque, sans ordre lancé, elle descendit les marches bleues. Élya glissée sur son épaule, comme une petite cape animée de tendresse ses pieds nus touchèrent le sol flottant, et le vent se leva autour d’elle, Il ne souffla pas, Il l’accompagna.

Une porte apparut, lentement elle n'était faite ni de bois ni de métal, mais d’écorce bleue tressée de réalité dormante elle poussa doucement la matière du monde, comme un rideau trop lourd que l’on écarte dans une maison abandonnée.

Et au-delà… se trouvait la forêt des songes feuillus.

C’était un lieu ancien pas vieux. ancien comme si ses racines s’étaient plantées dans un souvenir qui précède le temps lui-même.

Les arbres y étaient immenses certains faits de lumière figée, d'autres de mémoire condensée leurs troncs semblaient tissés de récits oubliés, et leurs feuilles, suspendues au bord du silence, murmuraient dans une langue que seul le sommeil profond pouvait comprendre.

Le sol chantait à peine pas avec des notes avec des respirations.

Et au cœur de cette forêt, au centre d’une clairière baignée d’ombre douce, se trouvait un trône brisé mousseux silencieux.

Comme un reflet de celui qu’elle avait quitté mais usé par l’écoute, non par le règne.

Saphira s’approcha. elle n’avait pas besoin de poser de questions.

« C’est un ancien trône », chuchota Élya, sa voix cotonneuse se glissant dans la brume.« Peut-être une autre toi. »

Une silhouette surgit alors du feuillage elle n’était ni spectre ni fée plutôt une idée, stabilisée par l’attention fine, presque transparente, elle semblait construite de soupirs, de rêves expirés doucement, et de lumière tombée d’un crépuscule ancien.

Elle parla sans forcer sa voix, comme si le monde entier s’était mis à l’écouter.

—« Tu es venue ce trône t’attendait depuis longtemps il n’est pas pour régner. Il est pour écouter. »

Saphira s’assit et la mousse, tiède et vivante, l’accepta sans résister.

Autour d’elle, des formes sortirent lentement de la forêt un renard de pluie, les gouttes tombant doucement de sa fourrure argentée une biche de lumière, le cœur battant à travers ses côtes translucides un serpent-fumée, qui glissait en cercle autour du trône comme une phrase qu’on relit sans fin.

Aucun ne parla aucun ne s’imposa ils vinrent simplement… s’installer comme s’ils l’attendaient depuis toujours.

Saphira ferma les yeux et un instant… elle ne fut ni Reine, ni foudre, ni gardienne des mondes elle fut juste présence. Écoute. Cœur ouvert.

Le vent ne soufflait pas il chantait la forêt ne bougeait pas elle respirait.

Et Saphira, au centre, souriait.

Elle était chez elle.

Fin du Chapitre 4 — La Forêt des Ombres Douces