Chapitre 36 - La Tempête des Rêves

Le silence de la tour bleue n’était pas paisible il était pesant depuis deux nuits, Saphira Noctielle ne dormait plus vraiment des fragments de sommeils brisés, des demi-songe à peine effleurés, trop de voix, trop de reines, trop de décision sème les dieux, même les tours s’étaient apaisés mais pas elle.

Elle avait passé la nuit à contempler un plafond qu’elle connaissait trop bien, ses doigts serrés autour d’un coussin qu’Élya lui avait glissé avec discrétion, espérant qu’un peu de douceur aiderait à calmer sa reine mais Saphira ne s’était pas apaisée elle avait tourné, soupiré, marmonné des pensées désordonnées dans l’obscurité.

Et puis, à l’aube d’un matin irréel, juste avant que le ciel du royaume hope ne se teinte de lavande, une plume noire était tombée au sol.

Silencieuse elle portait un seul mot, écrit d’une encre trop lourde pour être ordinaire.

—"Besoin d'aide. Monde des rêves attaqué Morphée".

Saphira n’eut pas besoin de réfléchir elle ouvrit une faille d’un seul souffle pas un rituel, pas un geste théâtral, juste l’exaspération pure d’une enfant céleste qui n’avait pas dormi depuis trop longtemps la faille la mena là où les rêves naissent mais cette fois le rêve était en train de mourir elle posa pied dans le monde de Morphée et fut aussitôt frappée par le chaos tout, partout, portait la trace d’un cauchemar devenu fou kes forêts de laine étaient noircies, calcinées les rivières de lait étoilé avaient été remplacées par des torrents d’encre noire des enfants flottaient dans le vide, leurs corps endormis chutant lentement dans des gouffres infinis sans jamais toucher le fond dans le ciel, une lune éclatée pleurait des plumes et au centre,Morphée épuisé, les bras tremblants, ses yeux lourds comme un millénaire de veille.

Ils sont venus de l’extérieur, haleta-t-il des cauchemars déchaînés libérés par Belzébuth. Ils dévorent les rêves purs. Ils rongent les symboles. Je n’arrive plus à les contenir.

Saphira ne répondit pas.

Ses yeux étaient calmes. Fatigués. Trop fatigués.

Elle observa un enfant qui rêvait qu’il tombait sans fin un autre, poursuivi par un monstre né de ses propres regrets des créatures difformes, faites de crocs et de souvenirs mal digérés, dansaient dans le ciel comme des dieux blessés et elle... elle serra le poing.

J’ai pas dormi, dit-elle simplement.

Un éclair traversa ses pupilles.

J’ai mal à la tête.

Un frisson s’empara de l’espace onirique.

Puis sa voix devint glace.

Et ils osent Attaquer les rêve.

Elle leva la main et le monde bascula l’éclair ne fut pas violent il fut silencieux, comme une pensée qui s’efface en un seul souffle, elle effaça tout ce que Belzébuth avait laissé les cauchemars les cris les créatures rampantes et les fissures du subconscient un vide parfait, bleu Morphée resta figé son regard tremblait Saphira venait d'effacer le concept même de l'existence des cauchemars.

Non... Saphira... tu n’aurais pas dû...

— Quoi ? répondit-elle, les yeux mi-clos.

— Les cauchemars sont nécessaires ils équilibrent les rêves ils les densifient, ils nous apprennent la peur, la honte, le deuil ils donnent de la profondeur à la paix.

Saphira soupira longuement puis elle s’allongea sur le sol céleste, fixant un nuage crevé qui ne pleuvait plus.

Tu veux dire que je viens de flinguer un millénaire de symbolisme inconscient ?

Morphée hocha lentement la tête.

Oui.

Elle ferma les yeux.

Génial.

Mais elle ne se leva pas elle resta là épuisée usée mais réfléchissant et puis, lentement, elle tendit les bras des lucioles bleues sortirent de sa poitrine par ordre elles volèrent, dansèrent, et se mirent à reconstruire ce qu’elle avait détruit mais différemment chaque cauchemar ressuscité changea l’un devint une peur maîtrisée il poursuivait encore mais il ralentissait quand l’enfant se retournait pour lui parler un autre, qui hurlait des vérités impossibles, devint un reflet il murmurait, désormais juste assez pour avertir en dernier, une bête immonde qui dévorait les enfants en sommeil, devint un chien de garde aux crocs affûtés, veillant sur les âmes blessées Morphée, muet d’abord, finit par s’approcher ses yeux étaient embués mais pleins d’admiration.

— Tu ne les as pas juste reconstruits...

Il s’agenouilla près d’elle.

— Tu les as... compris.

Saphira ouvrit les yeux.

— Je ne veux plus les voir hurler.

— Et maintenant... ils ne hurleront plus ils apprendront.

Le monde du rêve retrouva son harmonie les enfants chutèrent lentement vers des lits de plumes.

le ciel redevint doux les carpes de sommeil revinrent nager entre les nuages et Saphira se coucha simplement ses cernes formaient des cercles parfaits.

— Je veux juste dormir.

— Tu peux, dit Morphée en l’enveloppant dans un cocon de lumière tu dormiras vingt minutes.

Il la berça.

— Ou cent ans je veillerai.

Fin du Chapitre 36 — La Tempête des Rêves