Il n’y avait pas d’alerte pas de cri pas même une secousse.
Et pourtant… quelque chose mourait ici.
Saphira avançait, seule, dans une dimension sans vent un chemin s’étirait devant elle un ruban de pierre et de silence de chaque côté, il n’y avait ni murs, ni ciel, ni sol seulement des fenêtres suspendues et derrière chaque vitre un fragment de vie mais ce n’étaient pas des cauchemars pas de monstres pas de flammes. Juste des images trop réelles un homme hurle dans un bureau. Mais personne ne l’écoute une femme fixe un écran vide son regard est flou deux mains signent un contrat puis tremblent de ne pas croire à leur propre promesse ce n’étaient pas des rêves oubliés c’étaient des rêves brisés des désirs trop anciens pour briller encore des espoirs tenus en cage par la routine, la peur, et l’oubli de soi.
La clé d’èclair vibra doucement dans la paume de Saphira.
— « C’est ici. » murmure sans écho.
La structure s’élevait comme une fracture dans le rêve une tour noire, usée, à moitié brisée les murs suintaient une encre épaisse, comme si les pensées de ceux qui y vivaient fondaient lentement des mots inachevés coulaient des pierres des lettres sans sens des bouts de phrases sans verbe et au sommet un homme il était assis sur un trône fait de chaises empilées, de dossiers refermés, de promesses classées sans suite il ne levait pas les yeux il ne pleurait pas. Il ne criait pas il était là. Et c’était peut-être pire des feuilles mortes de projets tournoyaient autour de lui.
— « J’ai jamais rien fini, j'ai pas eu le courage, j'ai préféré rester là parce que dehors y’a plus de place. »
Saphira s’approcha elle ne dit rien elle ne tendit pas la main elle écouta et dans ce silence... une forme se glissa entre les ombres Nékridhal le dieu des cauchemars déchaînés il n’apparut pas dans une explosion de ténèbres il marcha dans la pièce comme un ami revenu ses doigts caressaient les murs comme s’il les aimait.
« Il ne voulait plus rêver.» dit-il doucement. « Alors je l’ai aidé à s’arrêter. »
Saphira le fixait.
— « Tu l’as enfermé. »
— « Non. Je l’ai entendu. »
— « Et moi je l’ai écouté. »
Elle aurait pu hurler frapper briser la tour elle ne le fit pas à la place, elle sortit une poupée bleue de son manteau d’étoiles toute simple elle la posa aux pieds du rêveur la poupée ne parlait pas elle ne brillait pas elle attendait Saphira se pencha, chuchotant au silence.
— « Si tu veux rester ici je n’empêcherai rien mais si un jour tu veux rêver de nouveau alors elle ouvrira les yeux. »
Et elle se releva elle ne regarda pas Nékridhal elle lui parla.
— « Je ne suis pas venue pour détruire. Je suis venue pour proposer même aux erreurs même à toi tu crois que tu es le cauchemar mais tu n’es que le cri d’une partie de moi qui n’a pas été bercée »
Pour la première fois, Nékridhal recula pas de peur mais de non compréhension elle ne le frappait pas elle ne le chassait pas elle le regardait.
— « Tu ne me combats pas… »
— « Non je t’aime et ça c’est peut-être le sortilège le plus dangereux. »
Saphira sortit de la tour derrière elle, l’homme ne bougeait pas mais ses yeux regardaient la poupée pas avec peur pas encore avec espoir mais avec possibilité et parfois, c’est le seul rêve dont un adulte a besoin celui de pouvoir rêver encore.
Fin du chapitre 41 — Le Royaume où Morphée ne va plus