Le monde avait enfin cessé de trembler dans les hauteurs de la tour bleue, l’aube ne se leva pas comme ailleurs elle ne brisa pas la nuit elle l’embrassa un ciel opalin caressait les vitres célestes, et chaque souffle de vent semblait être une berceuse chantée par les nuages eux-mêmes dans une chambre paisible, drapée de rideaux constellés, Saphira dormait enfin sa respiration était lente, régulière, profonde ses paupières tremblaient légèrement, comme si même dans le repos, elle continuait à rêver à ses côtés, Élya, lovée en boule, l'armure à moitié défaite, gardait la même posture qu’une sentinelle endormie et tout autour d’elles, les poupées de Saphira flottaient doucement, tournoyant en silence comme des lunes gardiennes, chaque une pulsant d’une faible lumière rassurante la reine bleue avait frappé elle avait pleuré mais surtout, elle avait veillé et maintenant elle se reposait dans les profondeurs de la tour, là où seuls les êtres anciens osaient marcher en silence, Morphée attendait le dieu du sommeil était assis, les mains croisées sur ses genoux, dans une salle où l'air avait la densité du souvenir au centre, posée sur un socle de verre miroitant, reposait une poupée de cristal transparente. fragile parfaitement lisse et à l’intérieur une ombre lovée une forme réduite silencieuse. Inoffensive en apparence mais nul ne s’y trompait c’était Nékridhal non pas un démon non pas un rêve mais une divinité née d’un cri.
Il dormait mais parfois, l’ombre à l’intérieur du cristal frémissait, comme si elle voulait encore parler comme si elle rêvait elle aussi.
Morphée soupira Il n'avait pas peur mais il était las car garder enfermé ce qui n'a jamais appris à exister demande plus de douceur que de pouvoir puis il entendit les pas pas d’armure pas de guerre des pas de soie, chargés d’autorité divine et d’une douleur ancienne Hera entra sans dire un mot la reine d’olympe s’arrêta devant le socle elle ne tendit pas la main immédiatement elle se contenta de regarder le silence entre elle et Morphée était épais, presque sacré puis elle parla enfin.
— « Je sais ce que tu vas dire. »
Sa voix était basse, posée mais pas hésitante.
— « Qu’il doit être enfermé qu’il est trop dangereux qu’il n’est pas prêt. »
Morphée tourna la tête vers elle il répondit doucement.
— « Je n’allais rien dire, Hera parce que je sais pourquoi tu viens. »
Elle baissa les yeux vers le cristal, et les mots suivants sortirent comme une prière étranglée.
— « Il n’est pas mon fils mais il est l’enfant de Saphira et je ne peux pas la laisser porter ça seule. »
Elle ferma les yeux un instant.
— « Je suis une reine une déesse mais je suis aussi une femme qui sait ce que c’est d’aimer quelque chose qui nous fait peur. »
Morphée ne répondit pas tout de suite il s’approcha muais, sans mot superflu, il traça dans l’air un cercle lumineux d’un blanc argenté le sol vibra à peine la poupée de cristal s’éleva lentement Hera tendit les bras et au moment où elle la toucha la lumière changea l’ombre à l’intérieur ne bougea pas mais un petit son s’échappa un unique souffle une note.
— « Il chante.» elle serra le cristal doucement contre elle, comme une mère serre un nouveau-né qu’elle n’a pas porté mais qu’elle a choisi d’aimer.
— « C’est un bon début. » murmura-t-elle.
Elle resta ainsi un moment, immobile puis elle se détourna, portant Nékridhal contre elle, et quitta la salle avant de quitter la tour, elle passa devant la chambre de Saphira elle s’arrêta regarda à travers la porte à peine entrouverte la petite reine dormait, la main glissée dans celle d’Élya, les doigts encore tachés de magie.
Hera sourit.
Elle ne frappa pas elle n’entra pas elle posa juste une main sur la porte, et murmura.
— « Dors bien, mon enfant maman s’occupe du reste. »
Et dans toute la tour bleue, pour la première fois depuis ce cauchemar cosmique rien ne trembla personne ne cria même les poupées ne chantaient plus elles écoutaient le sommeil d’une reine.
Fin du Chapitre 44 — Le Sommeil des Colères Apaisées