Chapitre 45 : Une Chambre Pour Mon Fils

Même la colère mérite un lit chaud et un rêve doux dans les entrailles les plus silencieuses de la tour bleue, il y a un couloir dont personne ne parle ni les dieux ni les poupées. ni même les rêves ce couloir est tissé dans une matière étrange, semblable à du velours brûlé A chaqçue pas, le sol soupire, comme s’il se souvenait de trop de douleurs contenues Saphira marche seule ses pas sont lents réguliers pesants dans ses bras, Élya, réduite à sa forme de peluche, dort d’un sommeil profond même elle n’est pas venue ici en conscience Saphira l’a prise, non pour se rassurer, mais parce que ce poids familier contre sa poitrine la garde ancrée.

Autour d’elle flottent des fragmentsvees morceaux de matériaux qui ne viennent d’aucun monde en particulier

Une brique palpite au rythme d’un souvenir figé une main tendue, refusée une vitre tremble à chaque soupir c’est un soupir qu’un enfant a retenu un soir de punition un lit, en lévitation, sculpté à partir d’un rêve brisé mais recousu le tissu est noir, mais chaque couture a été cousue à la main par Morphée, à la lumière des étoiles dormantes ce n’est pas une prison qu’elle construit c’est une chambre pour un enfant qui ne sait pas encore rêver sans mordre q'elle s’arrête devant une porte ronde elle semble faite de bois, mais à bien y regarder, c’est une matière mouvante, organique, presque vivante un œil mi-fermé est gravé au centre. Il bat doucement, comme s’il somnolait depuis des siècles.

Saphira pose sa paume au centre.

C’est ici.

Sa voix n’est pas tremblante mais elle est lourde chaque mot semble devoir traverser un monde.

Tu seras enfermé.

Elle ferme les yeux, appuie son front contre la porte.

Pas parce que je te rejette mais parce que même les tempêtes ont besoin d’un abri.

Elle lève les mains ses doigts tracent dans l’air des cercles précis, ciselés d’éclairs bleus pâles le vent recule, le sol retient son souffle. autour d’elle, six cercles d’énergie apparaissent lentement, suspendus dans l’air comme des lunes mourantes une chaîne d’or se tisse entre eux chaque anneau a été tressé par Hera elle-même, bénie non par la justice, mais par l’amour d’une mère qui sait qu’aimer, c’est parfois dire non.

— Tu ne pourras pas sortir sans mon autorisation pas tant que tu es colère pas tant que tu es instable mais à l’intérieur, tu auras ce que je n’ai pas su t’offrir au début.

La porte s’ouvre lentement sans bruit la pièce est sombre mais ce n’est pas une obscurité menaçante c’est une obscurité chaude habitable profonde un berceau de pierre, posé au centre, diffuse une chaleur douce. Pas brûlante pas divine simplement humaine. Les murs sont tapissés de rideaux vivants, faits de soie enchantée, qui murmurent des berceuses inventées. Pas celles qu’on chante aux enfants pour les faire dormir, mais celles qu’on chante quand ils ont déjà pleuré, hurlé, frappé il y a des coussins dans les coins de toutes les tailles de toutes les textures certains piégés de sorts d’apaisement d’autres vides, attendant qu’on vienne s’y perdre et au centre du berceau une poupée.

Noire uux yeux rouges fermés parfaite. Immobile fragile et terrifiante à la fois.

Saphira s’approche elle ne pleure pas elle ne sourit pas elle parle.

Nékridhal mon fils, ma faute ma création et mon devoir.

Elle s’agenouille touche la poupée ferme les yeux et en rêve elle le voit ce n’est plus un cauchemar ce n’est plus un monstre

C’est un enfant immense mécanique runique ses bras sont faits d’acier respirant son torse est sculpté dans une pierre couverte d’anciennes prières mais dans ses yeux… une lueur une lumière pâle bleue un vestige d’elle un fragment d’amour elle murmure :

— Tu es né de ma colère mais tu n’as pas à la porter seul tu ne sortiras pas tant que tu n’auras pas compris que même un cauchemar peut vouloir dormir.

Elle se relève suspend un petit mobile au plafond, fait de minuscules étoiles enchantées chacune contient un rire d’enfant, un soupir d’adulte, une larme de divinité.

puis, doucement, elle place sur un coussin… une poupée miniature d’elle-même.

elle est simple petite bleue mais ses bras sont ouverts.

Elle est là pour te veiller. Même quand je dors.

Le sceau autour de la pièce commence à se refermer les cercles se replient sur eux-mêmes les chaînes s’unissent la lumière s’atténue elle fait un pas en arrière.

Puis elle entend un souffle un murmure un mot.

Maman…?

Elle se fige.Son cœur s’arrête elle regarde la poupée noire ses yeux sont toujours fermés mais la voix était réelle elle sourit et répond, si doucement que seul le rêve peut l’entendre.

Oui, mon cœur le suis là et elle s’éloigne laisse la pièce se sceller derrière elle.

Le multivers peut trembler la tour peut vaciller les dieux peuvent tomber mais Saphira Noctielle, reine des éclairs et des ombres,a fait ce que personne n’avait osé faire elle a offert une chambre à sa colère un lit à sa douleur et un rêve à son cauchemar.

Fin du Chapitre 45 — Une Chambre pour mon Fils