Parfois, les plus grandes erreurs naissent d’un soupir et parfois, ce soupir a une couronne.
La tour bleue somnolait doucement dans son cocon d’altitude dehors, le ciel s'étirait comme une soie tiède, d’un bleu paisible que seules les divinités fatiguées savent créer dedans, Saphira était allongée de travers sur une méridienne moelleuse, une couverture cousue d’étoiles sur les jambes et un livre trop dense ouvert à l’envers sur son ventre mais ses yeux ne lisaient pas ils rêvaient.
Autour d’elle, des crayons flottaient en désordre des peluches, encore actives, s’organisaient en comité d’oreillers une petit golem de parchemin faisait des allers-retours en marmonnant des citations mal traduites et dans cet apparent chaos... une idée naquit pas une idée logique. Une idée Saphira une étincelle, fragile et déraisonnable, mais étrangement séduisante elle tourna la tête vers Elya, qui nourrissait un chat cosmique d’un air beaucoup trop calme pour une garde du corps
—dis... et si je faisais un portail dans un miroir ? mais genre un miroir pas encore né ?un miroir du futur ?
Elya leva lentement les yeux sa voix fut simple tranchante. Légèrement lasse.
—Non. Silence... je l’ai déjà fait.
Elle l’avait créé sans crier gare un simple geste de la main, un chuchotement, et l'air s’était mis à frémir un miroir mais pas un miroir comme les autres, il n'était pas un objet. Il n'était même pas un reflet c’était une intention figée, une page encore blanche dans le grand livre du temps il vibrait d’émotions qui n’existaient pas encore, il chantait des souvenirs qui attendaient leur tour.
Saphira tendit les doigts, fascinée son regard avait cette lumière insoutenable qu’ont les enfants devant un interdit trop brillant.
— C’est juste pour jeter un œil...
Et le monde l’engloutit.
La chute ne fut pas violente elle fut douce inquiétante comme tomber dans une pensée trop grande pour sa tête Saphira se retrouva debout dans un monde qui n’avait pas encore choisi sa logique les couleurs changeaient selon ce qu’elle ressentait des arbres faisaient des racines dans le ciel et le sol se plaignait doucement d’exister devant elle, sur une plateforme faite d’horloges cassées, une silhouette l’attendait grande calme familière... mais étrangère elle portait une robe noire, cousue de runes fines, et des bracelets faits d’échecs passés son regard transperça Saphira sans violence, mais sans appel.
—Tu es moi ?Je suis toi plus tard quand tu auras cessé de fuir ta propre profondeur.
Saphira croisa les bras, la voix piquée d’ironie.
—Je suis donc censée devenir cette chose sinistre et mystérieuse ?tu n’es pas censée tu choisis, à chaque instant mais certains choix pèsent plus que d’autres.
Dans la Tour, une alarme douce retentit les murs se contractèrent comme un cœur inquiet.
Destiny bondit de son bureau :
—Elle a touché un miroir non-linéaire ce n’est plus une erreur, c’est une poésie dangereuse.
Diva, allongée sur une rambarde, les yeux incandescents :
—Je vais lui coller une montre autour du cou et l’enfermer dans un sablier.
La tour commença à pivoter sur elle-même les escaliers s’inversèrent le temps cherchait à se réparer.
Dans le miroir du futur, Saphira sentait son cœur battre trop fort, trop vite.
Sa version future s’approcha elle ne portait pas une couronne elle portait un devoir.
Tu n’es pas prête pour ce monde mais tu y arriveras.
Saphira mordit sa lèvre elle détestait sentir ses yeux piquer.
—Dis... est-ce que j’ai un chat, plus tard ?oui il parle mal et il mord les visiteurs temporels.
Un petit rire un rire qui réconcilie puis une main se posa sur son front et le monde la repoussa.
—BOUM.
Saphira retomba dans le salon de la tour décoiffée désorientée avec une marionnette de temps coincée à son bras.
—Ow...
Salle circulaire lueurs d’or ils étaient tous là.
Kael, bras croisés, Destiny, le regard à moitié nerveux,Diva, un sourcil levé,Hope, qui lui tendait du thé avec une cuillère tremblante Elya, à ses côtés, silencieuse comme une promesse fidèle Diva prit la parole
—Tu as ouvert un miroir non-né tu as provoqué une torsion dans trois lignes narratives et tu es revenue avec un chat hypothétique.
Saphira, toute petite voix :
—Elle avait une plus belle robe que moi...
Destiny éclata :
—C’est tout ce que tu retiens ?!
Kael leva la main.
—Assez on la connaît elle savait que c’était une bêtise elle l’a faite quand même.
—Un temps c’est pour ça qu’elle est l’éclat d’espoir, non ?
Recopier à la main toutes les lois multiverselles avec une plume qui insulte chaque faute et manger de la soupe de météorites... sans épices.
Saphira protesta :
—C’est cruel même pour moi.
Elya, du haut d’une étagère :
—Tu dis ça à chaque fois.
Ce soir-là, Saphira resta allongée dans son lit elle regardait le miroir suspendu au plafond il était inerte muet mais elle savait que derrière... quelque part...elle s’attendait encore elle-même et ça lui suffisait.
Fin du Chapitre 59 – "Je voulais juste voir ce que ça faisait..."