Le silence laissé par l’assemblée planait encore, comme une traînée invisible dans le tissu des mondes il n’y avait pas de sons, pas de cris, pas même de bruissements : juste un vide étrange, fragile, trop vaste pour être rassurant, trop tendu pour être ignoré.
dans les couloirs secrets qui reliaient les genres narratifs entre eux, les royaumes frémissaient.
Le monde manga, blessé dans son orgueil et mutilé dans ses pages, recousait ses lignes de vitesse avec rage il pansait ses effets dramatiques comme des plaies ouvertes il ne criait pas il ne riait pas il bandait les muscles de ses héros silencieusement, attendant que la page tourne ou qu’elle brûle.
Le monde des comics, lui, arborait des silhouettes droites, des mâchoires serrées, des postures de défi les capes claquaient dans un vent intérieur, un courant de colère colorére ils ne pouvaient tolérer l’humiliation d’un affrontement suspendu, ni l’idée qu’un autre style ait pu imposer le silence à leur volume.
Le monde des novels, hautain, raffermissait ses intrigues les paragraphes se lissaient d’eux-mêmes les narrateurs reformataient leurs prologues comme on redresse une couronne on ne criait pas, on rédigeait mais entre chaque ligne, suintait une tension faite de mots non écrits.
Les cartoons, enfin riaient bien sûr qu’ils riaient ils avaient toujours ri mais leurs traits tremblaient et sous les gags dessinés à la hâte, l’encre trahissait des contours inquiets
les multivers ne se parlaient pas pas avec des mots ils se jaugeaient genre contre genre
style contre structure fierté contre silence puis un œil s’ouvrit celui du dieu des manga, toujours accroupi au cœur de son monde défiguré, encore fumant de la confrontation il avait vu son univers plié, ses lois défiées et maintenant, il voyait les éclairs, debout à l’horizon du réel, formant une ligne qui ne menaçait pas mais interdisait.
– Vous avez frappé notre leader mais vous ne nous avez pas vaincus.
Sa voix n’était plus une déclaration de guerre. c’était un défi, sourd, amer Destiny tourna la tête vers lui un œil un seul ni colère ni fierté. seulement un regard et sous ce regard, une galaxie entière d’encre se décolora là où les mangas se régénéraient, les trames se diluèrent les contours se mirent à couler
les bulles de texte se vidèrent d’elles-mêmes
un seul œil et un genre tout entier frissonna
mais le silence fut brisé par un bruissement d’encre fluide un roi de light novel s’avança il était vêtu de mots vivants, des phrases tournoyaient autour de lui, certaines issues de sagas longues de mille chapitres son manteau formait des citations continues sa voix était aussi précise qu’un paragraphe d’exposition.
– Arrêtez de jouer les durs, vous autres à bulles les personnages de novel recréent des réalités avec un doigt.
Derrière lui, un héros isekai, aux yeux vides et à l’épée trop brillante pour être vraie, fit tourner une planète dans la paume de sa main, comme une balle de jonglage il souriait. il ne comprenait pas qu’il allait trop loin
Saphira s’avança d’un pas elle n’avait ni cape, ni foudre, ni effet lumineux.
elle n’avait que sa voix.
– Je suis un chapitre et un conte à moi seule.
sa phrase flotta, puis s’enfonça dans les fondations du monde et quelque part, sans qu’on sache où, un tome de réalité se mit à pleurer les paragraphes s’effondrèrent.
Les arcs narratifs implosèrent même les adverbes cédèrent une saga entière se tua de honte alors que le monde Novel frémissait, ce fut au tour des Comics de s’avancer
Un dieu masqué, vêtu de lignes franches et d’ombres portées, descendit lentement d’une case oblique sa présence semblait tirée au trait.
– On vous observe vous avez un problème ?
il parlait comme une menace éditoriale il n’attaquait pas encore mais il n’était pas seul.
Kael, l’épée dans le dos, releva la tête.
– J’en ai six et tous sont des éclairs.
Dérrière lui, une présence silencieuse se leva.
Kaela elle ne dit rien elle n’avait jamais eu besoin de mots ses ailes, vastes et cosmiques, s’ouvrirent comme un évent galactique et le temps… s’arrêta trois pages.
trois pages blanches dans chaque série comics en cours trois pages figées dans toutes les publications à venir et aux côtés de Kael, une silhouette imposante, stable, comme sculptée dans la matière même des possibles, apparut c’était Rose la forgeronne des mondes elle tenait à la main un marteau de forge cosmique elle n’avait pas besoin de le lever car dans sa posture seule, il y avait une vérité elle pouvait faire céder les lois du récit elle était celle qui, en un mot, pouvait remanier la réalité le dieu masqué des comics recula d’un demi-pas et à ce moment-là, personne ne parla personne ne bougea mais les regards étaient des météores à peine contenus chaque regard était un sort suspendu chaque souffle retenu, un pacte fragile et chaque nom prononcé aurait pu déclencher une guerre totale entre genres et loin, bien plus loin que les cases, au-delà des frontières entre bulles et marges, La Mère Primordiale observait elle n’intervenait pas.
elle n’avait pas besoin elle murmura simplement, à elle-même.
– Ils ne sont pas prêts pour ce que j’ai rêvé ensuite.
Fin du Chapitre 63 — Bataille de Regards Divins.