Un doigt pour réparer une semaine sans sortie le silence était la seule sentence digne de ce qu'ils avaient provoqué ce n'était pas un vide ordinaire, pas un silence de fin c'était un lieu sans bord, sans centre, sans matière il ne faisait ni froid ni chaud, il ne brillait ni ne s'assombrissait ce n'était même pas un espace c'était ce qu'il restait après qu'on ait retiré toute histoire, toute pensée, tout nom
et dans ce néant suspendu, debout, immobile, sans bouger un cil, La Mère Primordiale les observait ils étaient tous là. les fautifs les enfants glorieux devenus turbulents, les genres qui avaient oublié leur promesse originelle le dieu des manga gardait la tête basse, ses épaules encore tendues d'une colère non purgée à ses côtés, le souverain des novels fixait un point inexistant avec la dignité cassée des anciens orateurs qui ont perdu leurs mots le seigneur des cartoons, pour une fois, ne souriait plus son museau pendait, ses yeux semblaient vides, et même ses oreilles refusaient de rebondir. leur exubérance s'était effondrée dans la gravité du jugement à venir et puis, à quelques pas d'eux, il y avait Saphira petite silencieuse les bras croisés derrière le dos comme une enfant prise la main dans la boîte à éclairs ses pieds nus dessinaient à peine des reflets dans ce sol inexistant. Sa robe flottait lentement, et son regard fuyait celui de sa mère son ombre c'était rendue invisible ce jour-là, elle ne se sentait ni reine, ni souveraine, ni déesse ce jour-là, elle se sentait fille.
La voix de La Mère Primordiale résonna, et pourtant, elle ne fit pas écho car rien, dans cet endroit, ne voulait redire ses paroles elles étaient faites pour tomber une fois, et peser pour toujours.
– Vous avez oublié l'enfant.
Les mots frappèrent sans violence, mais avec une clarté qui renversait les défenses intérieures.
– Vous avez oublié la page blanche la joie simple d'exister.
La honte prit des formes multiples le dieu des Manga ferma les yeux le souverain des Novels plaça une main sur son torse, comme pour se rappeler qu'il respirait encore le seigneur des Cartoons laissa tomber une larme qui s'évapora avant de toucher quoi que ce soit.
– Vous avez choisi la guerre.
La Mère resta droite, son regard calme mais impitoyable.
– Je choisis la réparation.
Ce n'était pas une proposition c'était une décision de création.
Alors elle les condamna non à l'effacement, mais à l'effort à reconstruire chaque mot détruit, chaque nom effacé, chaque monde fondu dans leur orgueil narratif mas comme des héros pas comme des auteurs comme des réparateurs comme des lecteurs attentifs qui se souviennent qu'un récit est un abri, pas une arme et ils acceptèrent un par un sans protester puis, la Mère tourna lentement la tête vers sa plus jeune vers la plus imprévisible vers la plus aimée
Saphira ne tenta pas de se défendre elle ne pleura pas, ne cria pas, ne recula pas, elle murmura, d'une voix si petite qu'on crut d'abord qu'elle avait pensé au lieu de parler.
– Je voulais juste jouer avec eux...
La Mère s'agenouilla alors ce qui, dans tout le multivers, n'était arrivé que trois fois elle tendit la main, et la posa sur la joue de l'enfant-reine.
– Je sais, mon cœur mais tu as touché des choses qui ne sont pas encore nées.
Il n'y avait ni colère, ni accusation il n'y avait que l'infini d'une tendresse désolée alors Saphira redressa un peu la tête.
– Je peux réparer.
Elle ne cria pas elle ne lança pas de sort elle claqua des doigts, très doucement, comme on éteint une chandelle sans souffler
et du bout de son geste naquit un arc-en-ciel narratif un pont de lumière qui ne reliait pas deux mondes, mais deux possibles de ses mains jaillirent des bulles où renaissaient les récits détruits les bulles montèrent lentement, s'échappèrent dans toutes les directions. elles passèrent à travers les couches de réalité, remontèrent les marges, retraversèrent les cendres des pages brûlées.
des héros oubliés ouvrirent les yeux des dialogues rayés se réécrivirent des idées mortes retrouvèrent une forme, un début, un sens la Mère laissa faire puis, avec une douceur qui n'adoucissait pas la peine, elle glissa les doigts dans les cheveux de sa fille.
– Tu as bien réparé.
Saphira sourit juste un peu mais cela ne dura pas.
– Mais tu es punie.
Le silence redevint lourd, et l'enfant redevint parfaitement immobile.
– Combien de temps ?
– Une semaine.
Le cœur de Saphira rata un battement.
– Pas de sortie, pas d'exploration, pas de manga, pas de gâteau, et... pas de Super Patate.
Le monde chancela elle s'effondra comme dans une tragédie dos cambré, main sur le front, chute lente, parfaitement dramatique.
– Pas de Super Patate ?!
Un sanglot une déclaration.
– Je suis un monstre j'ai tout gâché je mérite l'oubli...
La Mère ne répondit pas elle resta à genoux, caressant lentement le dos de sa fille qui gémissait contre un sol qui n'existait pas une fois encore, elle n'avait pas crié elle n'avait pas frappé elle avait parlé et tout l'univers, jusque dans sa plus jeune note de bas de page, s'était incliné.
Une semaine passa les genres étaient partis réparer ce qu'ils avaient brisé et Saphira était restée dans sa chambre.
Elle ne déchaîna aucun sort ne redessina aucun monde ne fit trembler aucune étoile.
elle joua à la poupée elle relut un vieux conte. elle regarda le ciel.
Et quand elle vit une bulle de rêve repasser devant sa fenêtre, elle leva une main elle ne la saisit pas elle la regarda passer.
et sourit.
– C'est bien aussi, d'être un peu sage.
du Chapitre 67 — Le Châtiment des Genres