Parfois, le plus grand pouvoir, c’est de rester
La chambre 502.
Le crépuscule s’étire paresseusement sur les baies vitrées de l’hôpital des cendres blanches dans les couloirs, les néons clignotent à peine, les bruits de pas se font plus rares, les derniers patients dorment, les internes s’échangent des dossiers dans un murmure technique, le monde se ferme doucement, comme un livre qu’on replie pour la nuit dana noctielle vient de finir ses visites elle a raccroché sa blouse, glissé ses mains dans les poches de son pantalon de travail, elle pensait descendre, peut-être attraper un thé mais la lumière rouge clignotante au-dessus de la chambre 502 ne ment pas une alerte silencieuse, pas un cri, pas une urgence médicale, juste un signe elle s’arrête inspire, puis pousse la porte assis sur le rebord du lit, une perfusion débranchée à ses pieds, un homme d’une cinquantaine d’années regarde par la fenêtre il ne pleure pas, il ne parle pas, mais son dos légèrement voûté, ses épaules crispées, disent tout son regard n’est pas vide, il est résigné il tourne lentement la tête à son entrée et lui offre un petit sourire fatigué, mais poli "Ah docteurnoctielle, désolé, je ne voulais pas vous déranger, je me disais juste que j’allais faire un tour par la fenêtre" il désigne d’un geste vague la ville, en contrebas huit étages, une chute rapide dana ne dit rien au début elle ne fronce pas les sourcils, elle ne court pas vers lui elle regarde la pièce, tire une chaise, s’assoit à côté de lui, croise les jambes, s’appuie sur un coude, détendue "Je peux venir ? La vue est sympa à cette heure-là" l'homme la regarde, surpris elle sourit "Et puis, vous savez… si vous sautez, au moins j’aurai eu droit à une place VIP" Un rictus lui échappe un rire discret, fragile, mais là "C’est pas très professionnel, docteur", "Je suis en dehors de mes heures" un silence s’installe pas inconfortable, juste… humain puis, doucement "C’est le cancer, hein ? stade terminal, métastases, j’ai fait la chimio, la radio, les prières, j’ai même arrêté de fumer, trop tard, hein ?" dana hoche lentement la tête puis glisse, sans insister "C’est jamais trop tard pour s’acheter des bonbons… ou pour faire chier un infirmier à trois heures du matin" il la regarde, ses yeux s’embuent un instant puis plus doucement, la voix qui casse "Je suis fatigué, j’ai mal, et je suis seul" dana le regarde et pour la première fois, elle ne pense pas à courir elle pense à retenir elle pose une main sur la sienne sa paume est fraîche, stable "Vous voulez un secret, monsieur charnay ? Moi aussi je suis seule" il fronce les sourcils "Pardon ? une jolie docteure ? toujours bien coiffée ? vous avez sûrement une famille quelque part" elle sourit doucement "J’ai des frères, mais ils sont… spéciaux, un peu bruyants, un peu… divins, même" il fronce un peu plus les sourcils elle rit légèrement "Je plaisante, mais vous voyez, même avec plein de gens autour on peut se sentir vide" elle serre un peu sa main "Mais vous, vous n’êtes pas vide, vous êtes juste fatigué de porter le silence" elle se tourne vers lui, son regard est fixe, ferme, mais doux "et si vous sautiez, monsieur charnay… vous n’allez pas mourir vite, vous allez faire pleurer une infirmière, un brancardier, moi", "et franchement, j’ai pas envie de nettoyer du sang ce soir, mon manteau est neuf il rit un vrai rire raspy, un peu tordu, mais sincère "Vous êtes complètement barge", "Ouais, mais je fais un super café, et j’ai des bonbons dans mon tiroir" ils restent là à parler du temps, de son fils qu’il n’a pas vu depuis dix ans, de ses regrets, de son plat préféré. "Le hachis parmentier de ma mère, dit-il, elle en mettait toujours trop, et je râlais, mais maintenant j’en rêverais" dana ne promet rien elle ne soigne pas son cancer elle ne parle pas d’espoir mais elle lui donne une nuit de plus, une envie de rester, rien que pour parler encore un peu il voulait mourir, elle lui a offert un peu de vie sans magie, sans lumière divine, sans vitesse juste avec présence et parfois c’est tout ce qu’on peut faire.
Fin du chapitre 2 — "Et si je tombais sans faire de bruit ?"