Chapitre 2 — Pactes et Fusion

Le vent était plus froid ce matin-là. Elyas et Niva marchaient lentement à travers la forêt, évitant les racines épaisses et les branches basses. Les arbres ici étaient plus anciens, les feuilles plus sombres, et une étrange pression pesait dans l’air.

— Ce bois est différent, murmura Elyas.

Niva, perchée sur son épaule, grogna faiblement.

« Il est ancien. Habité. Je sens plusieurs présences… mais l’une d’elles est agitée. »

Elyas hocha la tête. Depuis son pacte avec Niva, il percevait des choses qu’il ne comprenait pas encore totalement. Des pulsations. Des échos invisibles. L’aura des êtres vivants résonnait dans son esprit comme une musique nouvelle. Et aujourd’hui, cette musique était dissonante.

Ils arrivèrent bientôt devant une clairière. Au centre se dressaient des ruines de pierre. Des murs effondrés, un autel brisé, des inscriptions presque effacées. L’aura ici était lourde. Sauvage. Quelque chose dormait… ou attendait.

Elyas s’approcha. Sa marque s’illumina doucement, et une pulsation traversa la clairière.

« Attention ! » cria Niva.

Trop tard. Un rugissement déchira l’air. Une silhouette surgit des ombres. Un félin géant, au pelage noir strié d’or, bondit droit sur lui. Elyas roula sur le côté et sentit les griffes lacérer l’air où il se trouvait à peine une seconde avant.

Le monstre — un Ravax, comprit-il d’instinct — grogna, les crocs découverts. Ses yeux étaient fous de rage, mais aussi de douleur. Une lance brisée était fichée dans son flanc. Il était blessé… mais toujours terriblement dangereux.

« Il souffre. Il attaque par peur, pas par instinct. », dit Niva, prête à sauter.

Elyas leva les mains.

— Je ne veux pas te faire de mal ! Écoute-moi !

Le Ravax grogna de plus belle. Mais à cet instant, la marque sur le torse d’Elyas pulsa plus fort. Une onde se propagea autour de lui.

Détection d’aura réussie. Créature en état instable. Fusion temporaire disponible.

— Fusion… ? attend, quoi ?

Niva répondit, son ton soudain calme.

« Tu peux emprunter ma force. Fusionner avec moi. Mais ce sera intense. Tu dois être prêt. »

— Je suis prêt, dit-il, serrant les poings.

La lumière jaillit. Les deux queues de Niva s’enroulèrent autour du corps d’Elyas, et leur aura se mêla. Ses yeux prirent une teinte violette. Des marques lumineuses apparurent sur ses bras, et il sentit sa vitesse, sa perception, sa force… tout grimper d’un cran.

Il bougea — non, il glissa — esquivant l’assaut suivant du Ravax avec une fluidité presque surnaturelle. D’un bond, il se retrouva sur une pierre et lança sa voix, amplifiée par l’énergie de Niva.

— Je ne suis pas ton ennemi ! Je ressens ta douleur, ta peur ! Je veux t’aider !

Le Ravax s’arrêta. Il tremblait. Du sang coulait encore de son flanc. Elyas s’agenouilla lentement et tendit la main.

— Si tu m’accordes ta confiance… je peux apaiser ta souffrance.

Un silence s’étira. Puis, lentement, le félin s’avança. Son museau toucha la paume d’Elyas. Une chaleur familière emplit l’air.

Connexion d’âme réussie. Pacte établi avec : Ravax blessé — “Kaor”.

Une lueur douce entoura la bête. Sa respiration devint plus calme. Le lien venait de se former, profond, respectueux. Pas un lien de domination, mais d’alliance.

Elyas chancela, rompit la fusion avec Niva. La fatigue le saisit, mais son cœur débordait de fierté.

— Je l’ai fait…

Kaor posa sa grande tête contre son épaule. Niva, revenue à sa taille normale, observa la scène avec un léger sourire.

« Tu apprends vite. »

Elyas s’assit au centre des ruines. Il observa les murs écroulés, les inscriptions anciennes. Ce lieu respirait l’histoire, la magie. Il était isolé, mais connecté à la forêt. Et surtout : défendable.

— Ici. C’est ici que je bâtirai les fondations de mon royaume.

Il caressa la pierre sous ses doigts.

— Ces ruines seront le cœur. Avec vous deux… et ceux qui viendront après. Je vais construire un sanctuaire. Un refuge. Un foyer pour toutes les créatures rejetées.

Niva approuva d’un mouvement de tête.

« Alors tu devras le défendre. Le monde est vaste. Et tout le monde ne verra pas ton rêve d’un bon œil. »

Elyas sourit.

— Qu’ils viennent. Je ne suis plus seul.

Il ferma les yeux. La marque sur sa poitrine brillait doucement. En lui vibraient deux présences : Niva, fluide et vive comme le vent. Kaor, massive, rassurante, solide.

Il savait désormais deux choses :

1. Il pouvait invoquer ceux avec qui il avait lié un pacte.

2. Il pouvait fusionner avec eux pour surmonter les obstacles les plus périlleux.

Son pouvoir n’était pas seulement de dompter. C’était de créer un tout plus fort que chaque individu. Une meute. Une famille.

Le soleil descendait lentement. Le vent ramenait l’odeur des feuilles mortes. Mais Elyas, lui, regardait vers l’avenir.

Un royaume. Un rêve. Une voie.

Et il n’en était qu’au tout début.