Partie IV—« Rimes de sang et de pouvoir »

***À Aurelace, capitale resplendissante de la patrie — celle de l’Empire Valmorien, érigé sur l’annexion systématique des petites nations voisines — la grandeur s’est construite au détriment des libertés d’autrui. L’expansion impériale s’est poursuivie jusqu’aux confins d’Elunaria, à l’ouest. Mais là, le peuple ne plia jamais. Fiers et enracinés dans une histoire millénaire, les Elunariens sont un peuple qui ne connaît ni soumission ni trahison. Nulle tentative de l’Empire n’a réussi à y faire naître des collaborateurs ou des partisans.

Ils ont abandonné leurs terres pour se réfugier dans les montagnes, là où le brouillard enlace de vastes lacs silencieux. Là-haut, ils ont mené une résistance humble mais tenace, forgée dans la simplicité et transmise au fil de deux générations. Puis, un souffle nouveau s’est levé — une génération lucide et intrépide, nourrie de rêves et d’espoir, résolue à poursuivre la lutte. Dans leurs regards brille une étincelle indomptable : celle de la liberté. Car pour eux, l’heure de la libération n’est plus une promesse — elle est une certitude.

Aurelace, joyau de l’Empire Valmorien, s’étend entre les collines nacrées et les eaux paisibles du fleuve Myria.

Dans cette cité dorée, la famille Valporine règne en maître sur tout : la richesse, le pouvoir, la beauté, et surtout… l’armée. Elle a consenti d’immenses sacrifices pour bâtir l’empire, jusqu’à ce que son nom devienne sacré, lui octroyant privilèges et immunité.

Mais au fil des générations, la lignée s’est affaiblie. Absorbés par les guerres et les plaisirs de la vie, les membres de la famille ont négligé le mariage et la fondation de foyers stables, ce qui a entraîné un déclin de leur nombre. Dès lors, chaque enfant né est considéré comme un trésor précieux, élevé avec le plus grand soin.

Damien Daïd Valporine-Denis, unique petit-fils de la lignée, est considéré comme le précieux espoir de la famille. Il est demeuré à l’abri des regards jusqu’à l’âge de dix-huit ans. Élevé dans une école militaire stricte, il a ensuite intégré l’académie aérienne, dont il s’apprête à sortir diplômé avec le grade de général de brigade, prêt à rejoindre son grand-père, Silvère Octave Valporine, afin d’assurer la continuité de sa lignée, tout en poursuivant son service actif au sein de l’armée de l’air — à l’image de son oncle, tombé avec honneur aux commandes de son avion de guerre.

Sa mère, Véronique, est devenue le pilier de la famille après la perte tragique de son frère. À l’opposé, sa sœur Béatrice s’est distinguée par son goût pour le luxe et son tempérament frivole, ce qui lui valut d’être privée de plusieurs droits par leur père.

Silvère Octave, profondément attaché à la pérennité du nom familial et aux héritiers masculins, plaçait une grande importance sur la transmission par les fils. Consciente de cela, et désireuse de retrouver sa place au sein de la famille, Béatrice décida d’elle-même de donner naissance à un garçon. Après avoir eu quatre filles, l’enfant tant attendu naquit enfin… mais le destin fut cruel : il s’éteignit encore jeune, emporté par une fièvre soudaine au cœur de la nuit.

Béatrice accusa sa sœur Véronique d’être responsable de la mort de son fils. Celle-ci, indignée, la traita de folle, rejetant une accusation aussi injuste qu’insensée. Pourtant, Béatrice avait tout tenté pour enfanter cet héritier tant espéré : elle consulta des sorcières, s’en remit aux voyantes, et s’aventura dans les arcanes des forces occultes. Lorsque leur père, Silvère Octave, découvrit ces pratiques, il la sanctionna durement, ordonnant son isolement dans la demeure familiale, craignant que le scandale n’éclabousse l’honneur du nom.

Le désespoir la poussa à des extrémités insoupçonnées : elle introduisit des maîtresses auprès de son mari, espérant qu’au moins l’une d’elles lui donnerait un fils qu’elle pourrait faire passer pour le sien, assurant ainsi la continuité de la lignée. Mais toutes ses tentatives se soldèrent par l’échec.

Sa fille aînée, Adélaïde — cousine de Damien — grandit à ses côtés. Béatrice mobilisa tous ses moyens pour arranger une union entre eux. Damien, de son côté, éprouvait pour Adélaïde une affection sincère. Il la considérait comme une sœur et une amie précieuse. L’idée de l’épouser ne le rebutait nullement : ils avaient grandi ensemble, et on les appelait avec tendresse « les tourtereaux ».

Cependant, le grand-père s’opposa fermement à ce mariage, le jugeant inutile tant pour l’essor numérique que pour l’influence de la famille. Adélaïde fut alors envoyée dans une école réservée aux jeunes filles de la bourgeoisie, et son mariage fut ultérieurement prévu avec le fils d’une famille noble.

Quant à Damien, il était devenu la cible de nombreuses familles désireuses de le marier à leurs filles, en tête desquelles figurait la famille Vauclair, la deuxième plus puissante après les valporine.

Cette dernière proposa Séraphina Liora de Vauclair comme fiancée potentielle, mais elle fut immédiatement rejetée après qu’il fut révélé qu’elle était une enfant adoptée. Elle fut rapidement remplacée par sa cousine, Isabella Serena de Vauclair, qui fut préparée pour être présentée à Damien.

Damien était connu pour son réel désintérêt envers ces mariages arrangés. Jeune homme extrêmement séduisant, joyeux et charmant, il devenait pourtant sérieux lorsque la situation l’exigeait. Il était célèbre pour son côté joueur et son comportement de séducteur, car il considérait cela comme sa manière personnelle de comprendre les gens et de sonder leurs intentions.

Il ne savait que peu de choses sur son père, Alaric Denis, l’un des colonels de terrain les plus célèbres des forces terrestres, car ce dernier avait été exécuté pour trahison dans une affaire entourée de mystère. Tout le monde évitait de parler de lui, et c’est le grand-père qui assuma le rôle de père et de mentor à la fois.

Mais tout changea ce jour-là, lorsque Damian reçut une lettre qui lui révéla la vérité ,son père n’était pas un traître... mais une victime, exécutée injustement pour des raisons personnelles, et faussement accusée de trahison.

*****

Le présent...

«Dans les yeux des autres »

Je te cherche dans les yeux des passants,

Des regards perdus, des cœurs absents.

Personne ne murmure ton nom,

Seul le vent pleure en frisson.

Pas dans les yeux pleins d’amour discret,

Mais dans ceux que toi, tu aimais,

Moi, que tu as quittée sans retour,

Laissant un vide, un cri, un jour.

Tu brillais d’une flamme étrange,

Et puis un soir, tout a changé.

On t’a éteint, sans même un ange,

Et le silence t’a emporté.

Je comprends, à présent, leur geste amer,

Comment ton feu s’est fait poussière.

Tu fuyais l’amour, les pleurs,

Et moi — ton ombre, ta peur, ton cœur ?

Tu pensais peut-être fuir le mal,

Mais ton départ semblait brutal.

Et nous ? et moi ? perdus dedans,

Où vont les rêves des enfants ?

Tu brillais d’une flamme étrange,

Et puis un soir, tout a changé.

On t’a éteint, sans même un ange,

Et le silence t’a emporté.

Ils disent : “Il avait tant de chance…”

Mais moi, je vois ta souffrance.

Tu ne voulais rien de ce qu’ils donnaient,

Tu étais las… brisé… oublié…

Tu brillais d’une flamme trop douce,

Et dans la nuit, elle s’est dissoute.

Papa, pourquoi t’être effacé…

Sans un adieu… sans un baiser ?

***Après avoir lu le manuscrit poétique, l’interlocuteur déclara avec enthousiasme :

Quelle intensité poignante dans ces vers ! Ils nous emportent dans un tumulte d’émotions, profondes et sincères. Nul doute que leur écho saura toucher les âmes sensibles.

Puis il ajouta….....