Partie III—« Des yeux sur toi »

(Ils pressèrent le pas jusqu’à ce que le jeune homme disparaisse de leur champ de vision.)

Lyle (regardant derrière elle, anxieuse) : Ils ont disparu, tu crois ?

Lucien (d’un ton ferme, sans se retourner) : Ne regarde pas derrière. Marche, c’est tout.

Lyle (bougonne) : Mais pourquoi nous a-t-il dit de partir comme ça ? Il est fou ou quoi ?

(elle murmure avec irritation) On n’est pas à ses ordres… Quel abruti.

Lucien (s’arrête brièvement, soupire) : Voilà… la catastrophe.

(il se frotte le front, désespéré) Comment je vais gérer cette situation maintenant…

(Ils arrivent devant la porte, Lyle ouvre précipitamment.)

Lyle : Ça ne se reproduira plus, je te le promets. Mais... est-ce vraiment une erreur d’avoir aidé quelqu’un ?

Lucien (avec agitation) : Aider...!

Lyle : Que le diable l’emporte, cet débauché ! C’est à cause de lui... J’espère qu’il disparaîtra à jamais !

(Ils entrèrent dans la maison sans remarquer la présence de Bastien, allongé sur le canapé.)

Bastien : Lyle, qu’est-ce que c’est que ces mots ?

Lyle (gênée) : Mmmm... Oh, c’est toi ! Quand es-tu rentré ? Super, tu as l’air fatigué. Ne fais pas attention à ce que j’ai dit.

(Elle se précipite alors vers la cuisine.)

Tu n’as rien mangé, n’est-ce pas ? Ou bien… tu vois le potage ? On l’a préparé plus tôt, avant d’aller au cimetière, au cas où tu rentrerais tôt.

Lucien : Hé, enlève tes chaussures d’abord.

Lyle (à voix basse) : Chut ! (Puis elle lui fait un clin d’œil pour qu’il se taise.)

Bastien : Pas la peine, n’essaie pas d’éviter… Allez, de quoi parliez-vous ?

Lyle : Bon, parlons-en après que tu aies mangé. (Elle continue d’esquiver.)

Bastien (avec humour) : Est-ce que notre petite a préparé le potage ?

Lucien (sarcastique) : Elle a juste allumé et éteint le feu, c’est tout.

Lyle (agacée) : Tu n’es jamais coopératif, hein !

Lucien : Très bien… Tu vois cette écervelée ? Elle a—

Lyle (le coupant) : Soit, soit, je m’en chargerai… mmmm…

(Elle change soudain d’avis.)

Lucien, sers-lui le potage, toi.

(Lyle se dirige vers les escaliers, mais Bastien lui saisit la main.)

Bastien : Où tu vas ? (Il la fait asseoir sur une chaise et tire la chaise vers lui.) Allez, je t’écoute.

Lyle (joint ses mains en signe d’excuse) : Je suis désolée… mais ce n’est pas de ma faute. C’est juste un petit problème...

(Elle montre avec le bout de son petit doigt.) Oui, tout petit comme ça.

Bastien (soupire) : Hmmmmm...

Lyle : Je savais… (Elle regarde ses pieds.) Tu as dû passer une journée épuisante. Regarde tes pieds enflés.

(Elle se lève brusquement.) Je vais te chercher de l’eau froide pour les tremper.

(Il la fait asseoir de nouveau.)

Bastien : Je t’ai dit de ne pas changer de sujet.

(Lyle lui tient le visage avec ses deux mains et dit rapidement, les yeux fermés :)

Je suis désolée ! Mais j’ai frappé quelqu’un par accident ! Je croyais qu’il faisait du mal à une fille… enfin, une femme !

(Elle ouvre un œil pour voir sa réaction.)

Bastien (bouche bée) : Pas encore...

Bastien : Tu sais que je suis responsable de vous, et vous m’avez promis de ne pas créer de problèmes. Et si mon père découvre que je suis parti sans lui dire, il sera furieux !

Lyle : Laisse passer cette fois, s’il te plaît.

Lucien : On verra si lui, il la laisse passer... ce type.

Bastien : Il est connu ? Tu peux me le décrire ?

Lucien : Ne t’épuise pas, je suis absolument certain qu’il n’est pas d’ici.

Lyle : Parfait, alors je prierai pour qu’il disparaisse à jamais.

***Dans le vaste domaine perché sur la colline dominant le village de Saint-Éloi, se dresse un vieux manoir au charme fané, presque figé dans le temps. C’est là que vit la famille Ernest Seillière, ou plutôt ce qu’il en reste : deux vieillards solitaires, entourés de quelques serviteurs fidèles. Le château semble plongé dans un silence pesant, comme s’il retenait son souffle depuis des décennies.

Dans l’une des grandes chambres, Maël repose, allongé sur un lit aux draps d’un blanc éclatant, les traits tirés mais les yeux encore vifs.

À ses côtés se tient le majordome, un homme âgé dont la silhouette reste droite malgré les années, qui l’observe avec inquiétude.

Le majordome (sérieusement) :

Monsieur, ne devrais-je pas appeler le médecin ?

Maël (d’une voix faible, esquissant un léger sourire) :

Ce n’est qu’un simple bleu… La présence d’un médecin ne ferait qu’inquiéter mes grands-parents. Inutile d’en faire toute une histoire.

Le majordome :

Mais, et si c’était une fracture… ?

Maël (riant doucement malgré la douleur) :

Vous exagérez… Ce n’était qu’une chute banale.

Le vieil homme reprend alors l’application du baume, ses mains tremblantes mais pleines d’attention. Au contact, Maël étouffe une plainte.

Maël (douleur) Aïe…..

,(parlant en lui-même) :— elle ne plaisantait pas, cette fille. Quelle force…

Puis les traits du jeune homme se détendent, comme perdus dans une rêverie.

Une beauté glaciale et délicate à la fois… avec ses cheveux platine en bataille, ses yeux d’un bleu perçant… Comment une créature d’une telle douceur peut-elle frapper avec tant de violence ?

Il se tait un instant, les yeux fixés au plafond, comme s’il revivait la scène. Un sourire énigmatique étire ses lèvres.

《Elle m’a frappé.

Et moi, pauvre idiot, je suis resté là, debout, sans répliquer…

Non pas par peur, mais parce que je venais de rencontrer un ouragan au visage d’ange.

Ses cheveux, d’un blond argenté presque irréel, retombaient en vagues indomptées sur ses joues salies. On aurait dit de la soie en bataille, égarée dans un monde trop rugueux pour sa finesse.

Son visage… si fin, si harmonieux — même dans la saleté, même dans la rage — il gardait cette douceur noble, presque aristocratique.

Ses lèvres, pleines, tendues, retenaient un cri que je ne voulais pas entendre.

Et ses yeux… mes dieux, ses yeux.

Deux lames de givre plantées en plein cœur du chaos. Bleus comme l’hiver, et pourtant brûlants de quelque chose que je ne sais pas encore nommer.

Son regard m’a arraché à moi-même.

Ses sourcils sombres, froncés dans une expression glacée, donnaient à sa beauté une gravité presque effrayante… mais je n’ai pas eu peur. Non. J’ai eu envie de m’y perdre.

Je connaissais l’arc de son dos.

Je reconnaissais cette façon de se tenir, même pliée par la fatigue ou par la fureur.

Elle n’a pas dit pardon.

Mais dans sa nuque penchée, dans le tremblement à peine perceptible de sa main… j’ai lu un regret silencieux.

Et moi, je ne veux pas de ses excuses.

Je veux qu’elle comprenne ce qu’elle vient de faire :

Pas me heurter.

..............Me hanter♡.》

***Pendant ce temps, l’inquiétude ne quittait pas Bastien et Lucien.

— Mon Dieu ! Est-ce que Lyle va enfin cesser ses bêtises ? s’emporta Bastien. Souviens-toi de cette fois où elle a frappé le fils de Charles avec sa fronde ! Elle a failli lui crever l’œil !

Lucien : Ce sale gosse… Il l’a bien mérité ! Il a brûlé nos ruches, et Lyle a eu beaucoup de mal à les attraper.

Bastien (en riant) : Oui, son visage ce jour-là… c'était trop drôle ! (Il se rappelle du visage enflé de Lyle après avoir aidé l'apiculteur Mark à capturer les abeilles. Celui-ci lui avait offert deux ruches en récompense.)

Puis il ajouta : « Il s’est présenté ? Je veux dire, ce jeune homme ? »

Lucien : En fait… il a dit son nom, peut-être Manuel ou Maël Seillière, je ne me souviens plus très bien. J’étais stressé, un peu nerveux. Mais bon, pas besoin qu’il se présente : il a tout de suite eu l’air de venir d’un milieu raffiné… Des gens avec des domestiques… et une carrosse à moteur !

Bastien : Je crois que tu parles de la famille Ernest Seillière. Je vais demander à mon père.

Mais j’espère qu’il n’est qu’un simple voyageur de passage… et pas quelqu’un de rancunier.

(Plus sérieusement) Je t’ai dit de ne pas la laisser seule. Qu’est-ce qui ne va pas chez toi ?

Lucien : Tu plaisantes, j’espère ? J’ai mes propres affaires aussi ! Je l’ai laissée seule juste le temps d’aller chercher des graines. Et puis, elle n’est plus une enfant… Vous la gâtez trop, tous les deux.

Bastien : Ce n’est pas seulement ça… Je ne veux pas qu’elle attire l’attention. Tu sais qu’elle ne passe pas inaperçue, et vu la situation du pays… ça pourrait être dangereux. Pour elle, et pour nous.

Lucien : Oui… elle est devenue vraiment belle. (Un regard étrange passe dans les yeux de Lucien.)

Bastien (à lui-même) : C’était quoi, ce regard, Lucien… ?

Lucien : Bref… Comment se sont passés les deux derniers jours ?

Bastien : Pas mal. J’ai rapporté la marchandise. Mais la route était fatigante.

Lucien : Tu n’avais pas dit que c’était seulement deux heures d’ici ?

Bastien (hésitant) : Hmmm… En fait, on a pris la route du sud.

Lucien : Pourquoi ça ?

Bastien (réfléchissant) : C’était nécessaire… On croise souvent les soldats sur la route du nord.

(ajoutant après un silence) C’est difficile de passer avec les marchandises devant eux. Soit ils confisquent une partie, soit ils les prennent pour eux.

Lucien : Je croyais qu’Olivier avait des relations ?

Bastien : Oh si, mais là, on avait trop de choses cette fois.

(baissant la voix) Bon, Lucien… tu ne dis rien, d’accord ?

Lucien (avec un petit rire) : Allons, tu sais bien que je n’ai pas d’amis. T’inquiète pas......