La lumière artificielle du matin filtrait à travers les fines grilles du plafond, baignant la coursive d'une pâleur blafarde.
Alice ajusta sa combinaison d'entraînement et resserra les lanières de son sac tactique.
Autour d'elle, l'excitation était palpable.
Premier jour de sélection.
Tous les aspirants étaient réunis dans le grand couloir, une bande lumineuse pulsait sur le sol, indiquant le chemin à suivre pour l'épreuve.
- Tu es prête ? murmura Alphonse, la voix légèrement tendue.
Elle hocha la tête, silencieuse.
Pas besoin de mots inutiles.
Elle était prête.
Ils l'étaient tous.
Le général Baptiste fit son apparition, comme une ombre massive fendant la foule, suivi de la caporale Patil, plus rigide que jamais.
Le vrombissement grave des haut-parleurs grésilla, avant que sa voix n'envahisse le hall :
- Formation en ligne. En silence.
Les recrues obéirent d'un seul mouvement.
- Première épreuve : endurance combinée.
- Objectif : atteindre le point de ralliement dans les serres extérieures.
- Distance : huit kilomètres.
- Terrain : variable.
Un frisson parcourut l'assemblée.
- Vous serez notés individuellement... et en équipe, ajouta Patil, un sourire sec aux lèvres. C'est pourquoi vous avez été répartis en groupes de trois.
Nous avons conservé autant que possible vos affinités, mais ce n'est pas une raison pour vous amuser. Vous allez devoir compter les uns sur les autres.
Si l'un de vous est blessé et incapable de terminer, le groupe entier est éliminé. Si l'un abandonne, élimination.
Un murmure de mécontentement parcourut la foule.
Alice échangea un rapide regard avec Alphonse et Horizon.
Dans la masse tendue des recrues, Dante et Syra se démarquaient, mimant un échauffement caricatural.
Ils semblaient prêts à mordre, rictus moqueur aux lèvres.
Un aspirant de la section scientifique avait été ajouté à leur groupe. Plus frêle que les autres, il semblait au bout de sa vie, ses mains tremblaient visiblement.
Alice eut de la peine pour lui. Il n'allait vraisemblablement pas passer un bon moment.
Mais d'un autre côté, s'il pouvait faire perdre ces deux sauvages, tout le monde y gagnerait.
- Règle supplémentaire, poursuivit Baptiste :
Tout manquement à l'entraide ou toute tentative de sabotage entraînera une disqualification immédiate.
Dante poussa un soupir rageur exagéré qui arracha quelques rires.
Puis, tout comme Syra, il se concentra et fixa le couloir droit devant lui.
Le général marqua une courte pause, le regard dur.
- Bonne chance.
Un coup de sifflet strident déchira l'air.
Le départ fut donné.
Alice s'élança dans le sillage de ses camarades, son cœur battant furieusement dans sa poitrine.
Le parcours n'avait rien d'une promenade.
Ils zigzaguaient à travers des galeries exiguës, des trappes de maintenance, des coursives techniques jonchées de câbles et de débris.
Par endroits, la lumière avait été réduite au minimum, rendant la progression particulièrement dangereuse.
La chaleur était écrasante.
La sueur perla rapidement sur son front.
Au bout de vingt minutes, les premiers signes de faiblesse apparurent dans les rangs.
Certains ralentissaient, haletants. D'autres trébuchaient.
Alice, elle, avançait avec une régularité mécanique.
Alphonse peinait un peu plus, mais s'accrochait vaillamment.
- Rappelle-moi... souffla-t-il entre deux bonds, essoufflé.
- Pourquoi on fait ça, déjà ?
- Pour voir autre chose qu'un plafond en métal toute ta vie, grinça Alice sans ralentir.
Ils atteignirent un long tunnel où divers obstacles avaient été installés. Meubles renversés, barrières de confinement, câbles tendus.
Visuellement risible, mais avec la fatigue et l'essoufflement, diaboliquement efficace pour casser le rythme.
L'obstacle ralentit tout le monde.
C'est là que Dante les dépassa à grandes enjambées, heurtant volontairement Horizon au passage.
Elle trébucha violemment, manquant de tomber dans un tas de câbles.
- Hé ! protesta Alphonse, furieux.
Mais Dante se contenta d'un sourire narquois avant de disparaître à l'angle du couloir, bientôt rejoint par Syra qui semblait décidée à achever leur compagnon de fortune à coups d'insultes et de menaces.
Le pauvre garçon avait visiblement atteint ses limites. Il pleurait, gémissant de douleur.
Alice serra les dents, rattrapa Horizon et la remit d'aplomb.
- Laisse tomber, murmura-t-elle.
- On réglera ça autrement.
Ils reprirent leur course. Horizon boitait légèrement.
Alphonse ralentit pour se mettre à son niveau et lui proposa son bras.
Elle le repoussa sans méchanceté.
- C'est sympa, Al, mais je vais y arriver toute seule, t'en fais pas !
La respiration d'Alice devenait elle aussi difficile.
Chaque pas semblait lui déchirer les muscles.
Mais elle se força à maintenir le rythme.
Dans les haut-parleurs, une voix synthétique rappela soudain :
- Deux kilomètres restants.
Enfin.
Ils débouchèrent sur la serre extérieure : un immense dôme métallique, baigné de lumière artificielle, avec des couloirs herbeux et des allées sinueuses entre les cultures.
Bien plus vaste que la serre résidentielle qu'ils connaissaient.
Le point de ralliement était là, au centre, visible comme un phare : un gigantesque mât surmonté d'un drapeau rouge.
Mais il fallait encore traverser un véritable labyrinthe végétal balisé.
En quelques minutes, Alice et ses amis étaient couverts de griffures et de feuilles.
Alice sentit une vague de soulagement l'envahir quand ils débouchèrent enfin à vue du drapeau, quelques centaines de mètres plus loin.
Derrière elle, elle entendit Alphonse haleter et Horizon grommeler.
Ils accélérèrent ensemble.
À l'approche du centre, un bruit étrange s'éleva des haut-parleurs.
Un grésillement.
Puis un craquement.
Puis... plus rien.
Les lumières vacillèrent brièvement avant de se stabiliser.
Alice fronça les sourcils.
- C'était quoi, ça ? demanda Horizon, méfiante.
- Probablement une baisse de tension, répondit Alphonse, sans grande conviction.
Ils atteignirent la ligne d'arrivée dans un sprint final, la poitrine en feu, les jambes tremblantes.
Un instructeur les enregistra un par un.
- Nom ?
- Alice Vance.
- Temps : 52 minutes, 17 secondes.
- Statut : terminé. Loués soient tes efforts.
À bout de souffle, Alice se laissa tomber au sol, savourant la fraîcheur relative de l'herbe artificielle sous ses doigts.
Autour d'elle, les groupes se formaient déjà :
ceux qui avaient réussi, et ceux qui avaient abandonné.
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Plus tard dans la soirée, après avoir retrouvé un peu de force, Alice et Horizon étaient restées seules sur les gradins du complexe d'entraînement, observant les autres recrues s'affairer au loin.
- Tu te rends compte qu'on l'a fait ? murmura Horizon, le regard perdu dans les éclairages artificiels.
C'était vraiment... intense.
- Oui... Et pourtant, j'ai l'impression que c'était le plus facile.
Horizon hocha doucement la tête, puis soupira d'un ton faussement blasé :
- Al, il va falloir le surveiller. Il veut faire bonne figure, mais je l'ai vu grimacer plus d'une fois aujourd'hui.
- Il est têtu comme une mule, répondit Alice avec un sourire.
Et puis parle pour toi ! Toi aussi, tu n'en menais pas large, comme tout le monde.
Un silence.
Puis Horizon tourna la tête vers elle, plus sérieuse :
- Tu crois qu'on peut vraiment le faire ? Atteindre Avalon en faisant partie des premiers ?
Alice inspira profondément, puis répondit sans détour :
- Oui. Parce que je veux y croire.
Et parce que toi et moi, on n'est pas seules.