Le silence avait une odeur.
Celle des modules endormis. Des draps tièdes. De la sueur juvénile. Et, ce soir-là, d'un parfum nouveau : l'odeur acide de l'attente.
L'ombre glissait dans le couloir, fluide comme une coulée d'huile, ses pas avalés par le sol synthétique. Elle ne marchait pas. Elle glissait. Mue par quelque chose d'ancien, de plus grand qu'elle. Sa bouche marmonnait, à peine audible, des mots anciens. Des mots morts.
Elle s'arrêta devant une porte, en caressa la poignée, et l'ouvrit sans un bruit.
À l'intérieur, la jeune fille dormait sur le flanc, les cils frémissants, la bouche entrouverte.
Elle était parfaite.
Elle l'avait écoutée. Observée. Nuit après nuit.
Elle savait comment elle se tournait dans son sommeil, comment elle murmurait parfois en rêvant les bribes de ses prières apprises enfant.
Elle avait choisi avec soin.
Elle entra.
La porte se referma dans un clic feutré.
L'ombre s'agenouilla. Lentement. Pencha la tête. Fascinée.
Elle tendit une main. Ridée. Osseuse. Elle effleura les cheveux de la jeune fille. Doucement. Comme on touche une relique.
Elle tremblait. D'excitation contenue.
Elle soupira un mot, un de ceux qui n'existent plus. Et sortit de sa manche un injecteur noir, long comme un doigt, lisse et froid.
Elle le porta à ses lèvres. L'embrassa.
Louise s'éveilla. Encore embrumée par le sommeil.
Une main se plaqua sur sa bouche. Une main froide. Implacable.
Elle tenta de crier. Ses yeux s'ouvrirent en grand.
Elle voulut frapper. Se débattre.
Mais la chose était plus forte. Plus calme. Inébranlable.
Elle ne murmurait plus.
Elle soufflait. Un souffle court. Saccadé. Presque humide.
Comme une bête. Comme un animal qui attendait ce moment depuis trop longtemps.
L'aiguille s'enfonça dans le cou.
Elle hurla contre la paume. Suffoqua.
Elle grattait, frappait, pleurait.
Mais ses forces s'effilochaient déjà.
Elle comprit.
C'était trop tard.
Elle suffoqua. Elle sentit la chaleur se répandre dans ses veines. Elle brûlait de l'intérieur.
Sa poitrine se serra. Des larmes de sang roulèrent sur ses joues.
Elle eut un ultime sursaut, puis son dos retomba mollement sur le matelas.
L'ombre enleva sa main.
Elle borda la jeune fille avec une tendresse monstrueuse.
Puis sortit un mouchoir des pans de sa longue cape et essuya le visage de sa victime avec soin, avant de se pencher pour embrasser son front.
- Loués soient ta lignée.
Elle se releva, puis se dirigea vers la porte sans un bruit.
Et dans la chambre glaciale, Louise resta figée, les yeux ouverts, noyés dans une dernière terreur muette.
Le silence régnait de nouveau.
Indifférent.