Au moins un cookie !

Le lendemain, la journée se déroula comme toutes les autres : exercices de tir, tests cognitifs, séances de simulation de terrain, musculation...

Mais pour Alice, Alphonse et Horizon, plus la journée avançait, plus elle semblait interminable.

Dès la fin de l'entraînement, ils prirent la direction du pôle scientifique comme si de rien n'était.

Nova les attendait déjà, son avatar projeté au centre du laboratoire, bras croisés, comme si elle anticipait leur arrivée.

— Esteban est absent pour encore quelques heures, annonça Horizon en vérifiant les logs.

— On a le champ libre.

Alice ne répondit pas immédiatement. Elle fixait l’hologramme de Nova avec intensité.

Son père lui avait menti. Elle le savait maintenant.

Et ça ne changeait rien à sa décision.

Ou plutôt… ça confirmait qu’elle devait agir.

— On le fait, dit-elle simplement.

C’est notre seule chance.

— Tu es sûre ? demanda Alphonse.

Parce que là, ce n’est plus de l’entraînement.

Si on se rate, on finit aspirés dans le vide spatial… ou en cellule.

Alice se tourna vers lui.

— On ne se rate pas. Tu as vu les relevés. Tu as entendu Nova.

Et on ne peut pas détourner les yeux. Pas après ce qu’on sait.

Elle marqua une pause et balaya leur petit groupe du regard.

— On n’est peut-être pas une escouade officielle.

Mais on est prêts. Ensemble.

Et si vous êtes avec moi… on y va.

Horizon lui sourit, fatiguée mais confiante.

— Depuis le premier jour.

Alphonse soupira, leva les mains en l’air.

— OK. OK. Mais je réclame une prime de danger. Ou au moins un cookie.

Nova fit apparaître un plan en suspension dans les airs : une vue détaillée des circuits secondaires du Mjolnir.

— Le ralentissement devra être subtil.

Une manipulation directe des propulseurs serait immédiatement détectée par le poste de pilotage.

Mais en court-circuitant la régulation secondaire de l’axe arrière, je peux générer des micro-poussées inversées.

Suffisamment pour que nous adaptions notre vitesse.

— Et ça suffira à nous aligner sur le vaisseau-épave ? demanda Alphonse, les sourcils froncés.

— Avec une marge d’erreur de 8 %, mais oui.

Nova tourna son regard vers Alice.

— Une sortie extravéhiculaire ne peut se faire que depuis la baie technique extérieure.

Elle est réservée aux interventions de maintenance… et non surveillée.

— Logique, répondit Horizon. Qui voudrait sortir là-bas sans y être obligé ?

— Trois abrutis idéalistes, visiblement, souffla Alphonse.

Alice se redressa, croisa les bras.

— On y va dans quatre jours. À l’heure exacte.

Nova, tu prépares les tenues.

Horizon, les plans de vol et les projections de trajectoire.

Alphonse, tu m’aides à vérifier les modules EVA.

Rien ne doit foirer.

Un silence respectueux s’installa.

Elle avait naturellement pris la direction de leur petit groupe.

Et tous savaient qu’elle ne laisserait personne tomber.

Nova projeta l’intérieur du vaisseau-épave en trois dimensions : une masse noire, titanesque, véritable cercueil volant incapable de s’arrêter, condamné à errer indéfiniment dans l’espace.

— À l’intérieur, vous serez livrés à vous-mêmes.

Je n’ai pas accès à ses systèmes.

Le signal semble provenir des ponts inférieurs, mais je ne peux garantir l’état de la structure.

— Combien de temps on aura ? demanda Alice.

— Vingt-trois minutes avant que l’anomalie de vitesse ne soit repérée par les senseurs principaux.

Trente, si je surcharge le noyau de stabilisation pour brouiller les relevés.

Alphonse blêmit.

— Trente minutes pour sortir, traverser un cercueil volant, trouver une balise — ou celui ou celle qui l’a activée — et revenir vivants.

Il laissa échapper un souffle nerveux.

— Facile.

Alice posa la main sur son épaule.

— On a déjà fait bien pire.

Il la regarda, sceptique.

— Ah oui ? Quand, exactement, a-t-on déjà abordé une épave dont on ne sait rien, à la recherche d’un signal laissé par… seuls les ancêtres le savent ?

Sans soutien, ni armes, ni autorisation ?

Un silence.

— C’est une première, admit-elle.

Mais on sera ensemble.

À sa droite, Horizon pianotait déjà sur son terminal.

— Les drones de maintenance vont préparer nos tenues.

Je vais les modifier avec des servos d’appoint et des réserves d’oxygène augmentées.

J’ajoute aussi un détecteur de radiation portable.

Elle s’arrêta, leva les yeux.

— Et je charge Nova de s’assurer qu’Esteban ne tombe pas sur les logs de vos déplacements.

Nova inclina la tête.

— Je gérerai les flux.

Si vous réussissez, je supprimerai toute trace.

— Et si on échoue ? demanda doucement Alphonse.

— On n’échouera pas, dit Alice.

Nova marqua une pause, puis inclina la tête à nouveau.

— Alors je vous souhaite bonne chance, les enfants.