QUELQUE CHOSE DE NOUVEAU

Henri ne savait pas depuis combien de temps elle était assise là, face à lui, dans ce minuscule salon qu’il n’avait jamais vraiment utilisé. La vieille lampe sur pied jetait une lumière douce, presque irréelle, sur leurs visages. Le silence, leur silence, n’était plus pesant. Il était nouveau. Chargé de possibles.

Nina avait finalement parlé. Pas beaucoup. Elle avait raconté une part de son histoire, à demi-mots. Une vie un peu parallèle à celle d’Henri : les jours sans surprise, les absences pleines, les rêves qu’on oublie pour survivre. Elle ne lui avait pas dit d’où venait la lettre. Elle avait juste dit : « J’en avais besoin. J’espérais que toi aussi. »

Henri n’avait pas su quoi répondre. Il avait simplement hoché la tête.

Mais dans son esprit, un mouvement s’était enclenché. Le poids du quotidien s’était fissuré, pas entièrement, mais suffisamment pour que quelque chose puisse s’infiltrer.

Ils parlèrent peu ce soir-là. Mais ils restèrent longtemps. À écouter le silence, à se regarder parfois, à sentir que quelque chose – minuscule mais essentiel – venait de commencer.

Quand Nina repartit, il était presque trois heures du matin. Elle lui laissa sa lettre, et un regard plein d’une promesse discrète.

Henri referma la porte avec lenteur. Puis il revint s’asseoir à sa place, dans le salon. Il garda longtemps les yeux ouverts, à fixer l’endroit qu’elle venait de quitter.

Il n’avait aucune idée de ce que serait demain. Mais pour la première fois depuis longtemps, il attendait quelque chose.

Henri s’assit à nouveau dans le vieux fauteuil qu’il n’avait jamais vraiment pris la peine d’apprécier. Il observait les empreintes de Nina sur le coussin opposé, comme si son passage y avait laissé une chaleur encore palpable. Il n’arrivait pas à dormir, mais il ne ressentait plus l’insomnie comme une malédiction. Il se sentait éveillé autrement, comme s’il venait de réapprendre à ressentir.

Sur la table basse, la lettre. Il la relut, pour la troisième fois ce soir-là, mais cette fois avec une attention neuve. Les mots n’étaient plus seulement écrits, ils étaient vécus. Et chaque phrase, chaque virgule, semblait lui murmurer que ce rendez-vous n’était que le premier.

La pluie s’était mise à tomber. Doucement. Un rythme régulier sur les vitres, sur le rebord du balcon. Ce son, qui autrefois le ramenait à sa solitude, lui évoquait maintenant la continuité d’un moment partagé.

Henri se leva, ferma doucement la fenêtre, puis revint s’asseoir. Il ouvrit le carnet . Il hésita, puis écrivit une simple phrase : « Je crois que j’ai envie de recommencer. » Il ne savait pas encore quoi, ni comment. Mais il savait qu’il ne voulait plus rester figé dans l’ombre.

Et quelque part dans cette nuit encore noire, un frisson de bonheur s’était levé.