Le Clan Hao (2)

Plusieurs lames se dirigèrent vers moi de toutes parts à peine avais-je fini ma phrase.

Même si la puissance de combat du Clan Hao était réputée faible, ils semblaient bien prompts à dégainer leurs sabres.

Bien entendu, aucune de ces lames ne m’atteignit.

Muyeon, qui avait dégainé bien plus tard que les gardes, réussit néanmoins à dévier toutes les attaques.

« N’aviez-vous pas dit que vous étiez désolé pour votre comportement agressif plus tôt ? »

Ma voix était teintée d’amusement.

Dowoon-Chu, lui, me fixait en silence.

« Je pense que l’information concernant le Seigneur du Clan Hao vaut amplement le prix de ma requête, non ? »

« Le jeune maître s’est révélé être quelqu’un de bien différent de ce que je pensais. Je dois mettre de côté toutes les opinions que j’avais à votre sujet. »

« Je ne sais pas quelles étaient ces opinions, mais oui, ce serait effectivement avisé. »

« …Comment l’avez-vous su ? »

La disparition du Seigneur du Clan Hao était un secret de tout premier ordre, même au sein du clan.

La plupart des organisations, y compris la Secte des Mendiants, n’en avaient pas la moindre idée.

Il était étrange que quelqu’un sache même que le Seigneur existait, alors connaître sa disparition...

Me croirait-il si je disais que je l’ai appris dans le futur ?

Cela ne m’apporterait rien d’autre qu’une réputation de fou et probablement d’autres lames dans ma direction.

« Tu poses beaucoup de questions étranges. Pourquoi t’embêter, puisque tu sais que je ne répondrai pas ? »

« Et pourquoi donc venir nous voir pour obtenir des informations, alors que le Clan Gu semble avoir accès à ce niveau d'information ? »

« Chef de branche, je ne suis pas venu ici pour échanger des questions et des réponses. »

Je me fichais de l’interprétation que Dowoon-Chu ferait de cette situation.

Tap, Tap.

Le seul son qui résonnait dans la pièce silencieuse était celui de mes doigts tapotant sur le bureau.

« J’ai les informations que vous désirez, et vous avez la capacité de m’apporter celles dont j’ai besoin. N’est-ce pas suffisant ? »

« Jeune maître, comment puis-je être sûr que ce que vous détenez est réel ? »

« C’est à vous d’en juger. Pourquoi poser tant de questions ? »

Je cessai de tapoter le bureau.

Dowoon-Chu retrouva son visage impassible, mais son masque était déjà fissuré.

« Je ne pense pas que vous soyez en position de faire le difficile, chef de branche. Si mes informations ne vous intéressent pas, dites-le simplement. J’irai voir la Secte des Mendiants. »

Oh, et je pourrais malencontreusement ébruiter quelques secrets du Clan Hao auprès d’eux.

La conversation se termina sur ce petit murmure.

La balle était désormais dans leur camp. La décision du Clan Hao déterminerait la suite… Mais la bonne réponse était déjà évidente.

__________

« Pourquoi les avoir laissés partir ? »

Après le départ de Gu Yangcheon, seuls quelques gardes et Dowoon-Chu restaient dans la salle du Clan Hao.

Dowoon-Chu esquissa un sourire amer face à la question du garde.

« Je me suis trompé depuis le début. J’ai échoué à suivre mes propres principes. »

Faire comme si l’on ne savait pas, même si l’on sait.

Faire comme si l’on savait, même si l’on ignore.

Telles étaient les règles d’or du Clan Hao.

Dowoon-Chu avait vécu selon ces principes toute sa vie. Même face à la mort, il leur était resté fidèle.

Mais à cause de ce garçon qui avait percé à jour le secret du Clan Hao, tout le clan était en émoi.

« …Je pense que nous n’aurions pas dû les laisser partir. »

« Et que voulais-tu faire ? Les capturer et les forcer à répondre à nos interrogations ? »

« Si cela est nécessaire, alors nous devons— »

« Ne sois pas stupide, Yacheol. Tu crois que le Clan Gu est comme les autres familles ? »

Le Clan Gu était une famille de haut rang.

S’il fallait expliquer pourquoi on la considérait prestigieuse, c’était en raison de ses hauts faits au début de la guerre contre les démons.

Avec le temps, ces exploits n’avaient cessé de s’accumuler. Le clan ne s’était jamais laissé distancer.

Et s’en prendre au Clan Gu, reconnu comme les Gardiens du Shanxi...

Ce ne serait pas seulement la branche du Clan Hao du Shanxi qui serait en danger, non, c’est l’ensemble du Clan Hao qui serait menacé.

« Le Clan Gu est déjà impressionnant à lui seul, mais les factions orthodoxes viendraient naturellement à son secours, et ceux qui attendaient leur moment attaqueraient enfin le Clan Hao. Nous devons être extrêmement prudents. »

« …Je vous présente mes excuses, chef de branche. »

« Quoi qu’il en soit, si la situation s’est autant détériorée, c’est parce que j’ai tout gâché dès le départ. Heureusement, le jeune maître n’a pas réagi à ton attaque irréfléchie. »

Il y avait une chose que Dowoon-Chu ne dit pas à Yacheol : l’homme qui accompagnait Gu Yangcheon.

Il paraissait être un simple garde du corps maniant une lame, mais vu la manière dont il avait paré toutes les attaques…

Si les gardes du Clan Hao avaient fait un geste de plus…

Il les aurait tous massacrés.

S’il n’avait pas frappé davantage, c’était uniquement parce qu’il avait perçu que les lames n’étaient pas destinées à tuer.

Ou peut-être avait-il compris dès le départ qu’il ne s’agissait que de menaces, et avait frappé les armes plutôt que ceux qui les maniaient.

Ce qui effrayait Dowoon-Chu, c’était qu’il n’avait même pas vu l’escorte bouger.

Cela signifiait qu’il était au minimum un artiste martial de premier rang. Voire un maître parmi les meilleurs de ce niveau.

Amener un tel homme comme garde signifiait que le jeune maître avait prévu tout cela.

Je n’arrive toujours pas à organiser mes pensées…

Pourquoi le jeune maître du Clan Gu était-il venu au Clan Hao ? Était-ce vraiment pour des affaires ?

Il ne pouvait pas avoir obtenu cette information seul. Tout le Clan Gu, voire son chef, pourrait être impliqué.

…Quelles sont leurs intentions ?

Dowoon-Chu avait l’impression d’être pris dans une toile qu’elle avait elle-même tissée…

Elle ne trouvait pas de réponse. Déjà qu’il était difficile de gérer la situation actuelle, penser à tous ceux qui pouvaient être impliqués lui donnait mal à la tête.

Elle leva la main et tira sur la peau de son menton.

Riiiiip—

La peau se détacha dans un bruit de déchirure.

Comme l’avait deviné Gu Yangcheon, c’était un masque.

Derrière celui qu’on appelait Dowoon-Chu se trouvait le visage d’une femme.

Une belle femme aux yeux froids, aux cils fins, à la peau pâle comme si elle n’avait jamais vu le soleil.

Yacheol s’adressa à elle alors qu’elle retirait son masque :

« Est-ce que c’est prudent de le retirer ? »

« Je me sentais mal à l’aise, j’espère que tu comprendras. Il n’y a personne qui nous observe, de toute façon. »

Même la voix qui était masculine jusqu’à présent était désormais féminine.

« …Je n’arrive pas à comprendre, peu importe combien j’y pense. Seuls quelques individus connaissent la disparition du Seigneur. Comment a-t-il su ? »

Le chef du Clan Hao était traité comme un seigneur, mais peu lui portaient véritablement du respect.

La plupart rêvaient de le trahir pour prendre sa place.

C’est pourquoi le Seigneur du Clan Hao restait caché.

Mais sa disparition ne signifiait pas que quelqu’un d’autre pouvait devenir Seigneur.

Il fallait obtenir le certificat de succession directement de sa main.

Tous ceux qui étaient au courant de sa disparition le cherchaient désespérément pour mettre la main dessus.

Dowoon-Chu ne savait pas jusqu’à quel point Gu Yangcheon connaissait la situation, mais il en savait clairement beaucoup.

Et la raison pour laquelle il était venu la voir, elle précisément…

« Je ne pense pas que vous soyez en position de faire la difficile. »

Les paroles de Gu Yangcheon résonnaient dans sa tête.

Dowoon-Chu pensa au Seigneur disparu.

…Père.

Et comprit que, comme l’avait dit Gu Yangcheon, elle n’était effectivement pas en position de faire la difficile.

__________

Je pensais que j’étais foutu.

Après avoir terminé mes affaires avec le Clan Hao, je retournai dans les rues.

« Ils ont vraiment dégainé leurs sabres, ces enfoirés. »

Je savais qu’ils ne comptaient pas me tuer, mais je ne pensais pas qu’ils dégaineraient vraiment.

J’ai eu peur, sur le coup.

J’ai peut-être été trop arrogant dans mon approche.

Ce qui m’a permis de garder mon calme, c’est Muyeon.

Je le vis balayer les environs du regard, prêt à toute attaque.

Je l’ai toujours vu comme un garde maladroit, mais ses mouvements ne mentent pas.

Je savais que j’allais m’en sortir vivant, et ça m’a aidé à garder la tête froide.

Je sentis Muyeon me lancer un regard curieux.

« Si tu te poses une question, demande-moi. »

« Je me suis dit que tu ne répondrais pas, de toute façon. »

« …Oh, comment as-tu su ? »

« … »

« Je plaisante. Je ne suis peut-être qu’un gamin, mais je reste un fils du Clan Gu. Ce n’est pas si étrange que j’aie mes affaires, non ? »

Non, c’était totalement étrange.

Bon, je dirais que j’ai découvert par hasard des infos sur le Clan Hao et que la curiosité m’a poussé à les visiter.

Aller voir une faction non orthodoxe, ça ne se règle pas par une simple réprimande, mais c’était nécessaire.

Ça aurait été plus simple si j’avais pu y aller seul.

Je ne pouvais rien faire contre la présence de Muyeon.

Heureusement, grâce à lui, tout s’est bien passé.

Il ne m’a pas soupçonné.

Au contraire—

« …Donc c’était pour ça que tu voulais tant sortir l’autre jour. »

« L’autre jour ? »

Il parle du premier jour ?

« Le jour où l’ancien a tenté de révéler ton potentiel, mais que tu t’es enfui. Je croyais que tu voulais juste pas y aller. Mais maintenant que j’y pense, c’était une mise en scène entre vous deux, non ? Je n’ai rien compris sur le moment… Même les gestes les plus simples du sang des Gu ont tant de sens… ! »

« … »

Peut-être que “je pensais être foutu” n’était pas juste. Je suis déjà foutu.

Pourquoi j’aurais fui ça, bordel ?!

L’ancien analyser mon potentiel, c’était quasiment aussi précieux que si Gu Cheolun lui-même l’avait fait.

Mais j’avais fui parce que ça m’emmerdait.

Quel abruti… Comment j’ai pu être aussi con ?

« Allons acheter quelques yakgwas… »

J’en achetai, pensant à Wi Seol-Ah qui les aimait tant.

Mais j’avais oublié mon argent, donc Muyeon a dû payer.

Je te rembourse plus tard, alors arrête de faire cette tête. Bon sang.

L’affaire du Clan Hao était pour l’instant close.

Donnez-moi un peu de temps pour y réfléchir, avait dit Dowoon-Chu.

Mais je savais qu’il mordrait à l’hameçon.

Comme dans l’événement « Récupération du Seigneur du Clan Hao » dans quelques années.

Ils attaqueront le Palais Noir pour sauver leur Seigneur enfermé dans sa cave.

Ils échoueront. Et il mourra.

Mais celui qui a lancé cette mission deviendra le nouveau Seigneur et fera remonter le Clan Hao.

Je sais au moins une chose : le Seigneur du Clan Hao est enfermé au Palais Noir depuis plus de cinq ans. Et la personne ayant lancé l’opération venait du Shanxi.

Il prendra la tête du clan et se cachera à son tour.

Mais il laissera des traces.

Cet événement, sous couvert de libération, sera en fait une guerre entre le Palais Noir et le Clan Hao, deux géants de la faction non orthodoxe. Le Palais Noir sera anéanti, et le Clan Hao à moitié détruit.

Celui qui a mis fin au Palais Noir n’est autre que l’Alliance Murim.

C’était un événement si marquant que même moi, indifférent à l’époque, m’en souviens parfaitement.

J’ai eu de la chance. Si ça avait été ailleurs qu’au Shanxi, je n’aurais jamais tenté ça.

Un semi-pari.

Je ne savais pas si le chef de branche était bien là, ni s’il était le vrai chef.

Mais ses réactions m’ont donné des réponses.

Je devais envisager de nombreuses possibilités contre le Clan Hao.

C’était un chemin nécessaire, aussi dangereux soit-il, pour trouver celui que je cherche.

Que ce soit avec l’aide de la Secte des Mendiants ou seul, je dois le retrouver.

Zhuge Hyuk.

Celui qui devint général militaire du Culte Démoniaque très jeune.

Le cerveau du Culte.

Je dois le retrouver. Et le tuer.

__________

Je mangeai quelques yakgwas achetés dans la rue et donnai le reste à Wi Seol-Ah.

Je ne sais pas ce qu’elle avait fait pendant mon absence, mais elle était couverte d’épices. Elle apprenait à cuisiner, d’accord… mais comment en arriver là ?

Mais la voir sauter de joie en recevant les yakgwas me fit penser

Je devrais lui en acheter plus la prochaine fois ?

Muyeon partit faire son rapport.

Je lui avais dit de garder tout ce qui s’était passé secret.

Il avait acquiescé, mais j’étais tout de même inquiet.

Le lendemain matin,

Je sortis à l’aube et vis Muyeon parler avec l’Empereur de l’Épée.

« …C’est quoi cette scène étrange ? »

L’Empereur balayait comme la veille.

À ses côtés, Muyeon parlait en le suivant :

« Ce qui est important, en tant qu’épéiste, c’est de faire un avec son épée. »

« Vraiment ? Haha. »

« Par exemple… Vous connaissez les Vénérables Célestes ? Il y a cette histoire où l’Empereur de l’Épée dormit sous la lune avec son épée et atteignit un nouveau palier d’illumination. Il s’était synchronisé avec sa lame en dormant avec elle. »

« Hohoho ! »

…C’est quoi ça ? Enseigner à un poisson à nager ?

« Parfois, la nuit, j’ai l’impression que l’épée me parle. Et quand ça arrive, je la brandis, et mon corps… Oh, je crois que vous ne comprendriez pas, je suis désolé… »

« Pas de souci, c’est une histoire amusante pour un vieux comme moi. »

Voir un homme vanter ses compétences devant l’Empereur de l’Épée était gênant.

J’intervins, ne supportant plus la scène.

« Qu’est-ce que vous faites ? »

Muyeon et l’Empereur me saluèrent respectueusement. Je n’étais toujours pas habitué à tant de respect de sa part.

« …J’ai eu une petite illumination hier, et je me suis mis à parler sans m’en rendre compte. »

Je comprenais, mais c’était l’Empereur de l’Épée en face.

Il sourit, amusé.

« Ce vieillard embarrassant qui n’a jamais tenu une épée a eu le cœur qui battait en entendant l’histoire d’un jeune homme touché par l’illumination. »

Ce vieux monstre prétendait toujours n’avoir jamais tenu de lame.

Pendant ce temps, Muyeon bomba le torse de fierté.

« Bref, pourquoi êtes-vous ici ce matin ? »

Muyeon se rappela soudain la raison de sa venue et me tendit un papier. Il avait complètement oublié en discutant.

Sur le papier, en rouge, était écrit « Neuf Dragons ».

Je fronçai les sourcils.

Muyeon me dit :

« Jeune maître, vous devez assister aujourd’hui au Jour des Neuf Dragons. »

Encore une emmerde.