Avant que Macheol ne suive Gu Yangcheon dans la salle secrète.
« Putain… Puuutaaain ! »
Namgung Cheonjun, le Dragon Foudroyant, hurlait actuellement de rage, les cheveux en bataille, et un bras enveloppé dans un bandage.
À chaque cri de Namgung Cheonjun, des objets proches se brisaient, et ses serviteurs sursautaients de peur.
Il était dans cet état de fureur depuis son réveil.
« Ce fils de pute… Il a forcément utilisé une sorte de magie ! »
Ce Gu Cheonyub ou Gu Jeolyub… peu importe son nom.
Il n’y avait pas d’autre explication à sa situation actuelle.
Seuls les membres principaux de la famille avaient été invités à l’Exposition Militaire des Tang.
Si les membres principaux n’étaient pas disponibles, alors ils n’étaient tout simplement pas conviés.
Il était impossible d’envoyer des remplaçants à la place des descendants directs.
C’était les règles imposées par le clan Tang.
Le clan Gu était celui du Guerrier Tigre et du Phénix Épéiste.
Namgung Cheonjun avait entendu dire que le clan Gu avait un fils, donc ce Gu, ce bâtard, ne pouvait être que lui.
– Craquement.
Namgung Cheonjun grinça des dents.
Quelle sorte de magie a-t-il utilisée ?
Au début, je ne l’aimais tout simplement pas.
Je n’aimais pas qu’il voyage avec ma sœur, ni qu’elle lui porte de l’attention.
Et je détestais la façon dont ce gamin osait me regarder de haut.
Un gamin issu de la même lignée que le Guerrier Tigre et le Phénix Épéiste, et qui n’avait rien à montrer hormis une quantité pathétique de Qi.
Voilà pourquoi je voulais juste jouer un peu avec lui.
Pour lui faire comprendre sa place.
Est-ce que j’ai baissé ma garde ? Je pensais qu’un gamin comme lui ne méritait pas que je sois sérieux.
C’est pour ça que j’ai baissé ma garde.
Mais ça ne veut pas dire que je devais perdre.
Il n’arrivait pas à croire qu’il en soit arrivé là.
Il ne pouvait contenir sa colère.
Namgung Cheonjun se convainquit :
« C’est forcément une sorte de magie… »
Quelle magie ? Et comment l’a-t-il utilisée ?
Aucune importance.
Même si ce n’était pas de la magie, je ferai en sorte que ça en ait l’air.
La douleur à son entrejambe, toujours vive, ne faisait qu’attiser davantage la fureur de Namgung Cheonjun.
« Macheol. »
« Oui, Jeune Maître. »
Macheol savait déjà ce qu’il devait faire dès que Namgung Cheonjun l’avait appelé.
Rien qu’au ton de son maître, il savait ce qu’il allait lui demander.
C’était un ordre qu’il avait reçu des centaines de fois, alors il n’y aurait rien de différent cette fois.
Namgung Cheonjun demanda :
« Quel est ton plan ? »
Une question courte mais lourde de sens.
Et à laquelle Macheol ne pouvait pas répondre à la légère.
La situation n’était pas favorable.
Les gardes du clan Gu étaient très compétents.
Et l’un d’eux paraissait particulièrement dangereux ; Macheol supposait qu’il s’agissait du garde personnel.
Il semblait être d’un niveau comparable à Namgung Cheonjun lui-même, le Dragon Foudroyant.
Macheol se demandait comment un artiste martial de ce calibre n’avait pas encore fait parler de lui dans le monde.
Si je devais me comparer à lui, alors que j’ai atteint le sommet, je perdrais probablement vingt combats sur cent.
Et éliminer Gu Yangcheon en traversant tous ces gardes ? C’était quasiment une mission impossible.
« Macheol. »
Namgung Cheonjun ignorait tout cela, ou s’en fichait, et pressait Macheol pour qu’il réponde.
Macheol connaissait bien son maître ; il arborait en public une façade mature, mais dès que les choses tournaient mal, il révélait son caractère gâté et puéril.
Comme en ce moment.
Macheol ressentait une étrange sensation d’étouffement alors que l’humeur de son maître empirait.
C’était à cause de l’attelle qu’il portait autour de la poitrine, que tous les artistes martiaux devaient porter dès qu’ils entraient au service du clan Namgung.
C’était le prix à payer pour recevoir les arts martiaux sous le nom des Namgung. C’était la preuve de leur loyauté.
Et c’était l’une des raisons pour lesquelles Macheol était devenu le garde personnel de Namgung Cheonjun malgré son niveau élevé.
Alors que la pression et la douleur s’intensifiaient, Macheol fut contraint de répondre.
« …Je vais le chercher. »
La pression cessa instantanément.
Namgung Cheonjun afficha un sourire sinistre à la réponse de Macheol.
Puis il tapota l’épaule de ce dernier.
« J’ai toujours cru en toi, et je sais que tu m’apporteras encore de bonnes nouvelles. »
« …Oui, Mon Seigneur. »
Ça ne sent pas bon.
Pensa Macheol en partant accomplir la mission de son maître.
Il avait affirmé qu’il s’en chargerait, mais était-ce vraiment possible ?
Alors qu’il s’interrogeait nerveusement, une opportunité se présenta.
La cible qu’il surveillait discrètement avait soudain quitté seule le domaine des Tang.
Avant de devenir garde, Macheol avait été un artiste martial aguerri dans les arts de l’assassinat, donc il avait une grande confiance en ses capacités.
Il suffisait d’éliminer un jeune garçon.
Mais pourquoi voyage-t-il seul à cette heure-ci ?
C’était la plus grande question de Macheol.
Peut-être est-ce un piège ?
Mais pour qui, ou quoi ?
La seule présence que Macheol ressentait était celle du fils du clan Gu — Gu Yangcheon lui-même.
Pourquoi ce gamin court-il à bout de souffle, si tard dans la nuit ?
Où va-t-il ?
Macheol décida de continuer l’observation.
L’assassinat serait facile à réaliser n’importe quand, alors il pouvait bien satisfaire sa curiosité.
Le lieu où ils arrivèrent après deux heures de marche et de course était une falaise éloignée du clan Tang.
C’est la fin.
Il n’y avait rien ici, malgré tous les efforts pour y parvenir.
Un endroit comme celui-ci…
C’était parfait pour un enlèvement.
Macheol connaissait bien son maître, et savait qu’il préférerait cela à un meurtre pur et simple.
Puisqu’il est seul, je suppose que je vais—
« Qu’est-ce que tu fais lààààà !? »
Alors que Macheol s’apprêtait à agir, il s’arrêta net au cri du garçon.
Devant le garçon se tenait une fille.
Depuis quand… ?
Il avait été sur ses gardes tout au long du trajet, et n’avait ressenti aucune autre présence que celle du garçon.
Une autre poursuivante ? Mais j’aurais dû la détecter.
Surtout une fille aussi banale.
Peu importait sa présence, cela ne changeait rien. Après tout,
Même s’il a vaincu mon maître, ce fils du clan Gu n’est tout au plus qu’un artiste martial de premier ordre.
Et ajouter cette fille qui ressemblait à une servante ne changeait rien.
Mais même dans ce cas, pour une raison inconnue, Macheol ne pouvait se résoudre à agir.
C’était étrange.
Ses instincts l’empêchaient de bouger.
Les deux descendirent ensuite vers un restaurant.
Macheol écouta leur conversation pendant qu’ils mangeaient.
Il semblait que le garçon du clan Gu cherchait un érable blanc.
Un érable blanc en plein été… Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ?
Soudain, la fille se retourna pendant qu’elle mangeait.
Macheol sursauta.
Une illusion ?
C’était très bref, mais Macheol avait l’impression qu’elle l’avait regardé.
Ce doit être mon imagination…
Comme il l’avait fait avec Gu Yangcheon, Macheol observa le corps de la fille ; elle semblait normale, sans trace de Qi.
Une simple coïncidence.
C’est ce que Macheol se dit, ignorant les frissons qu’il avait ressentis.
La fille dit au garçon qu’elle avait vu l’arbre qu’il cherchait.
Il demanda :
« Tu te souviens où ? »
Il semblait qu’ils avaient trouvé ce qu’ils cherchaient.
Par la suite, Macheol n’en crut pas ses yeux.
L’arbre qu’ils découvrirent après avoir gravi la montagne de nuit, l’escalier qui descendait, les pierres lunaires incrustées dans les murs.
Et bien sûr, le mystérieux coffre secret.
Macheol ne comprenait rien. Tout s’était déroulé trop vite.
Il ne savait pas comment le garçon du clan Gu connaissait tout cela, mais au final :
Je dois le remercier de m’avoir tout apporté sur un plateau.
Tout reviendrait à son maître, mais Macheol recevrait une belle récompense.
Cependant…
Rien de ce qui suivit n’avait de sens.
« Hhh… hhh… »
Macheol utilisait son Qi pour tenter d’arrêter l’hémorragie après que son épaule ait été proprement tranchée. Du moins, il essayait.
Le sang ne s’arrête pas…
Il ne pouvait même pas contrôler son hémorragie malgré son niveau de Qi.
Le sang continuait de fuir comme s’il y avait un trou impossible à boucher.
Quand ? Et comment ?
Macheol ne comprenait pas comment elle avait pu porter un tel coup avec une si petite dague.
Il n’avait même pas vu le mouvement.
C’est dangereux ; je dois fuir.
« Tu vas quelque part ? »
La voix qui transperça le cœur de Macheol fit trembler ses yeux de peur.
Il leva lentement la tête.
L’ombre devant lui l’empêchait presque de respirer.
« Je t’ai laissé beaucoup de chances. »
Dit la fille.
Puis l’épaule de Macheol fut pressée violemment.
Les cheveux noirs avaient disparu, remplacés par une chevelure dorée éclatante.
Qu’est-ce que… c’est que ça… ?
« Tu n’as pas compris la première fois, alors j’ai même aidé ton instinct à devenir plus sensible pour que tu comprennes que tu devais reculer. »
Qu’est-ce qu’elle est ?
Une présence écrasante, qui écrasait sans effort un artiste martial de haut niveau.
Comment je suis censé décrire ça ?
Macheol ne comprenait pas. Il ne pouvait pas comprendre.
La seule chose dont il était certain, c’est que l’aura qu’elle dégageait n’était pas du Qi.
Mais alors, qu’est-ce que c’est ?
« Tu aurais dû fuir. »
Macheol, suffoquant, réussit à murmurer une question.
« Qui es-tu ? »
« Une personne que tu n’as pas besoin de connaître. »
« Si tu savais que je te suivais, pourquoi m’avoir laissé faire ? »
« Je ne t’ai jamais laissé. J’étais juste gentille. »
À ce moment-là, tout s’éclaira. Le sentiment étrange qu’il avait ressenti tout au long de la filature… Tout venait de cette fille.
« Comment une personne comme toi… »
Macheol se mordit les lèvres.
L’ultime éveil d’un artiste martial : la jeunesse éternelle.
Peut-être celle qui lui faisait face avait-elle atteint ce stade.
Mais alors, pourquoi jouait-elle la servante de ce garçon ?
La fille parla.
« Je ne répondrai plus à tes questions… Je n’ai pas vraiment beaucoup de temps. »
J’aurais voulu encore le frapper un peu.
La fille répondit doucement :
« J’étais indulgente parce que c’est la première fois que ce corps tue quelqu’un. »
« …Qu’est-ce que tu racontes ? »
Macheol en était certain dès le premier coup — mortel et sans hésitation — qu’elle avait tué bien des gens. Mais elle affirmait que c’était la première fois ?
La fille poursuivit, ignorant ses pensées :
« Je voulais au moins te laisser choisir, mais ça devait finir ainsi. Désolée. »
Une excuse soudaine, mais Macheol sentait qu’elle ne lui était pas destinée.
Comment puis-je m’en sortir vivant ?
Il cherchait désespérément une solution, mais la fille se rapprochait déjà.
Il avait abandonné l’idée de se battre.
Il devait fuir.
Alors qu’elle parlait toute seule, il rassembla tout le Qi qu’il lui restait.
Son corps en souffrirait, mais il n’avait pas le choix.
Je dois juste fuir.
Et expliquer tout ce qui venait de se passer.
Macheol se retourna et sprinta de toutes ses forces, brûlant tout son Qi pour atteindre le clan Tang.
Mais quelque chose clochait.
Sa ligne de vue, qui devait viser l’horizon, était désormais rivée au sol, et aucun effort ne lui permettait de lever les yeux.
Au contraire, le sol semblait se rapprocher de plus en plus…
Qu’est-ce que… ?
Ce furent les dernières pensées de Macheol.
– Thud.
La tête d’un maître martial du clan Namgung roula sur le sol.
Un seul coup de Wi Seol-Ah avait suffi.
Après la mort de Macheol, Wi Seol-Ah, impassible, rengaina sa dague et fit un geste de la main. Le corps de Macheol prit feu aussitôt.
Un peu plus tard, il ne restait rien de lui — pas même une trace — comme s’il n’avait jamais existé.
[…S’il te plaît… rends-le-moi maintenant !]
Une voix atteignit les oreilles de Wi Seol-Ah, et un petit sourire apparut sur son visage.
« Désolée, peux-tu encore regarder un peu ? »
[Mais c’est mon corps…]
« Oui, c’est le tien… et il le restera toujours. »
Wi Seol-Ah s’approcha alors de Gu Yangcheon, toujours profondément endormi — comme si rien ne l’avait troublé — et recommença à lui caresser les cheveux.
« …Je vais vraiment te le rendre maintenant. Je crois que je suis satisfaite. »
De l’amertume suintait de ses mots.
C’était ce que ressentait Wi Seol-Ah à chaque fois.
On dit que rien ne fait plus mal que de regretter quelque chose après coup.
Et c’est vrai.
Wi Seol-Ah pinça la joue de Gu Yangcheon et sourit.
[…Hé…]
Elle retira sa main dès que la voix contrariée se fit entendre.
[Tu t’en vas maintenant ? ]
Même s’il ne restait aucune trace visible du serpent, il semblait que son esprit ne s’était pas encore complètement dissipé.
« Oui, j’ai besoin de dormir. Je suis allée un peu trop loin. »
Combien de temps lui faudrait-il pour refaire surface ? Très longtemps.
[Tu… Tu sais ce que tu es ? ]
Wi Seol-Ah sourit à cette question.
« Oui, un peu. »
Elle connaissait un peu sa vraie nature, mais elle l’avait su trop tard.
[Ce sera un chemin ardu.]
« Je sais. »
[Je vois… Je te souhaite bonne chance pour la suite.]
« …Merci. Toi aussi, dors maintenant. »
À ces mots, une légère brise souffla dans le grand hall.
Wi Seol-Ah se coucha alors doucement à côté de Gu Yangcheon.
Après avoir pincé son visage froncé,
Elle ferma aussi les yeux.
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Quelque temps plus tard, Gu Yangcheon ouvrit enfin les yeux.
« …Où suis-je ? »
C’était un plafond inconnu.