Chapitre 3 – Rejet, explosion, révélation

[Lieu inconnu – Salle d’observation]

Dans une pièce sombre tapissée d’écrans, plusieurs silhouettes en costume observaient une série d’images figées. Ashen apparaissait sur l’écran central : torse en feu, frappant Hurbet à travers un mur.

— On le tient. Le garçon cornu. N-K1 est vivant.

Une voix calme, métallique.

— Il a survécu à l’Exposition Zéro, échappé du laboratoire. Il faut le récupérer. Vivant. Son feu est stable. Sa radioactivité, intacte.

Une autre silhouette s'avança, fixant les données.

— Envoyez un Observateur. Et un Frappeur. Phase une : contact civil.

[Retour à la ville – Matin]

Ashen dormait encore, allongé sur le vieux canapé, le bras bandé. La lumière perçait à travers les rideaux usés. Magi revint, claqua la porte, visiblement énervée.

— Bon bah… virée. Merci Hurbet, paix à ses côtes brisées.

Ashen ouvrit les yeux, sans changer d’expression.

— T’as cassé ton job pour moi ?

— C’est Hurbet qui s’est cassé, t’as vu la scène. Bref. Faudrait qu’on trouve un truc. On peut pas vivre sur mes économies et ton charisme glacial éternellement.

Il se redressa lentement, sans un mot.

— On cherche un boulot ? proposa-t-elle.

Ashen haussa un sourcil. Et sourit. Léger. Un coin de lèvre. C’était oui.

[Ville – Quartiers marchands]

Les deux marchaient de vitrine en vitrine. Magi parlait. Lui observait.

— Boulangerie ?— Trop tôt.— Magasin de jardinage ?— Allergique aux plantes.

Ils tournèrent un coin de rue. Un grand panneau clignotait au-dessus d’un bâtiment : BoomGur – Des plats qui font exploser vos papilles !

Ashen s’arrêta net. Son regard se durcit.

— Non.

— Quoi ? demanda Magi.

— J’veux pas bosser là.

— C’est à cause du mot “exploser” ?

Il ne répondit pas. Magi soupira.

— Écoute… ça coûte rien d’entrer. S’ils embauchent, on voit. Tu dis rien si tu veux, je parle pour deux. D’accord ?

Il finit par hocher lentement la tête.

[BoomGur – Intérieur]

L’endroit était… étrange. Vide. Trop propre. L’odeur ne ressemblait pas à un fast-food, mais à une clinique.

Un stagiaire au visage ridé les accueillit avec une voix monotone :

— Qu’est-ce que vous voulez.

— On est là pour postuler, répondit Magi.

Le stagiaire pointa une porte sans un mot.

Ils entrèrent dans une pièce blanche, sans mobilier, juste une table. Un homme les attendait, chemise impeccable, sourire mécanique.

— Bonjour. Nous avons besoin de quelques informations de base. D’abord : où habitez-vous ?

Ashen fronça les sourcils.

— Vous ne commencez pas par nos noms ? C’est l’adresse qui vous intéresse en premier ?

Le silence se fit. L’homme tressaillit. Sa peau se fissura, son crâne se déforma, des excroissances noires apparurent. Ses bras se transformèrent en tentacules couverts de métal.

— Pourquoi tu poses des questions ?! hurla la créature. C’est MOI qui pose les questions !Tu as tué Hurbet ! Tu vas le payer !

Il bondit vers eux. Ashen réagit par réflexe, poussant Magi en arrière.

Mais avant que le monstre ne frappe, le sol vibra. Une masse gigantesque passa à travers le mur du fond comme une voiture dans une vitrine.

Un monstre encore plus grand écrasa le premier d’un pas lourd, sans crier.

— T’es con. Maintenant faut le finir nous-mêmes, grogna-t-il.

Ashen recula. Il sentait l’instinct monter. Mais rien. Aucune flamme. Pas de chaleur. L’endroit était stérile.

Il attrapa Magi, courut vers la rue, stoppa un taxi d’un geste sec.

— Monte. Maintenant.

— Et toi ?

— Je reviens… quand je l’aurai mis à terre.

Elle obéit, terrifiée. Le taxi démarra.

Ashen se retourna vers le monstre, immense, cuirassé, armé de poings en métal brut.

— T’as besoin d’un nom pour me tabasser ? lança-t-il, froid.

Le monstre ne répondit pas. Il frappa. Une onde de choc pulvérisa la façade. Ashen vola sur plusieurs mètres, s’écrasa contre une voiture. Il se releva lentement. Sang. Côtes fracturées. Jambes fléchissantes.

Chaque pas laissait une trace rouge.

Il atteignit un panneau publicitaire en fer rouillé. S’y appuya. Cracha du sang. Puis releva la tête.

— Eh… tête de ferraille… j’suis encore en vie. Tu fais pas dans le one-shot finalement ?

Le monstre rugit, chargea, et lança un coup explosif.

L’impact alluma un feu. Le panneau s’embrasa. Et Ashen avec.

La flamme. Enfin.

Ses yeux devinrent rouge vif. Ses veines, des lignes de lave. Sa corne s’illumina comme un sabre chauffé à blanc.

Il sauta. Fusa.

— FIRE PUNCHHHH !!!

Son poing traversa le crâne du monstre. L’onde fit exploser les fenêtres à dix mètres à la ronde. La bête tomba.

Ashen retomba à genoux, haletant.

Le monstre, avant de mourir, leva la tête.

— Petit… t’es fort. Tu t’es bien battu.

Ashen le fixa, le visage noirci par la suie.

— Pourquoi tu veux me tuer ?

— Tu… as tué Hurbet.

— Hurbet s’est jeté sur moi. Ton copain m’a pas touché. Y a autre chose.

Le monstre sourit faiblement.

— Tu es le premier humain à survivre à une telle radioactivité… sans perdre ton humanité. Une organisation nous a engagés. Pour te capturer vivant.

Ashen fronça les sourcils.

— Comment elle s’appelle, cette organisation ?

Le monstre trembla, sa voix faiblissait.

— Je vais te le dire. De toute façon, je vais mour…

Il s’éteignit.

[Urgences – Hôpital public]

Ashen ouvrit les yeux lentement. Douleur partout. Il était attaché à des perfusions. Une silhouette entra.

— Eh... toujours vivant, Torche Boy ?

C’était Magi. Un sac dans les bras, un sourire sincère.

— Merci de m’avoir protégée. T’es sacrément amoché, mais j’ai une bonne nouvelle.

Elle sortit un papier.

— J’ai trouvé un vrai boulot. Et ils m’ont dit que toi aussi t’étais engagé. Tu pourras venir quand tu seras rétabli.

Ashen la fixa. Puis, pour la deuxième fois de la journée, il sourit. Léger. Contrôlé. Mais réel.

— Alors… demain, je viens.

Elle resta figée une seconde. Surprise. Puis elle sourit en retour, sans rien dire.