[Transition – MAGI]
Elle se débattait, mais les liens étaient serrés. Des cordes épaisses, trempées d’un liquide gluant, lui collaient à la peau comme du goudron vivant.
Ils la traînaient.
Trois silhouettes monstrueuses.Un cafard géant, bipède, aux mandibules crissantes et aux yeux globuleux qui cliquetaient sans arrêt.Une méduse, flottante, géante, ses filaments glissant sur le sol en laissant des traînées fumantes.Et un gorille… ou presque. Trop humain. Trop silencieux. Dans ses yeux, un poids.
Ils la menaient à travers un couloir souterrain, jusqu’à une salle éclairée par des néons rouges.
Au fond, un bureau. Imposant. Surdimensionné. Digne d’un tyran bureaucrate.Derrière, une silhouette massive dans l’ombre. Le chef.Il tapota ses doigts contre le bois, comme s’il pesait chaque mot.
— C’est elle ? La compagne du sujet N-K1 ?
Le cafard hocha la tête avec un frisson d’excitation :
— Oui, monsieur. Elle est proche de lui. Il viendra pour elle.On a laissé des indices exprès…Et quand il viendra, héhéhé… l’atmosphère sera humide.Assez pour qu’il ne puisse pas se transformer.
Il claqua des mandibules, ravi.
— Ça le rendra inoffensif. Un rat mouillé, pas une torche.
Le chef grogna, puis pointa du doigt la sortie :
— Gorille. Poste-toi dehors. Fais le guet. Et si le garçon approche… observe.
Le gorille hocha lentement la tête. Puis tourna les talons.
Mais en s’éloignant, un murmure silencieux traversa ses pensées :
Rook… Pourquoi t’étais pas là ?Je suis désolé, fiston…
[Retour – Ashen & Rook – En route vers la Griffe]
La nuit était tombée. Lourde. Dense. La lune cachée par des nuages suintants.Les deux avançèrent en silence, courant à travers les ruelles désertes, vers le bâtiment connu sous un nom murmuré : La Griffe.
Ashen ralentit. Sa corne, d’habitude rougeoyante, s’éteignit subitement.
Il frissonna.
— …Oh. Il fait un peu froid ici, non ?
Rook s’arrêta, haussa les épaules, puis se frotta la tête.
— Pas grave. Tiens.
Il attrapa une touffe de ses cheveux laineux, les arracha d’un coup… et les tendit à Ashen.
Ils étaient chauds. Doux. Et vivants.
Ashen resta figé.
— …C’est utile, ça. Carrément utile.
— Ça repousse. Je suis moitié mouton, mec.
Ashen enfila la laine comme un col de survie.
Ils marchèrent encore quelques minutes. Jusqu’à ce qu’une silhouette massive apparaisse à l’angle d’un mur. Immobile. Plantée comme une statue.
Le gorille.
Il les fixa longuement, sans bouger.
— C’est toi que je dois capturer, hein ? demanda-t-il à Ashen.
Mais Rook s’avança, levant les mains en signe de paix :
— Non. On veut juste récupérer notre amie. On cherche pas à blesser qui que ce soit.
Un silence.
Puis le gorille hocha la tête.
— …Alors passez. Mais je vous aide pas.
Il se tourna, lentement. Mais ses pensées hurlaient :
De toute façon, j’ai plus rien à perdre… Rook n’était pas là bas…
Ashen, étonné, se pencha vers son ami :
— T’as réussi à le convaincre. T’es bon, franchement.
Mais le gorille s’arrêta net.
— Rook ?!
Il se retourna lentement. Sa voix trembla.
— Tu… t’appelles Rook ?
Rook haussa un sourcil.
— Attends… ta voix. Elle me dit un truc.Elle ressemble à… à celle de mon père.
[FLASHBACK – ROOK ENFANT]
Sur un banc. Dans une voiture. Dans une ville.
Un père, grand, fort, une barbe mal taillée, posait une main sur l’épaule de son fils.
— Si jamais on est séparés, va au café. Attends-moi là-bas. Je finirai ce que j’ai à faire, et je reviendrai.
Rook, huit ans, avait hoché la tête, sans trop comprendre. Mais il l’avait cru.
Et il avait attendu. Tous les jours.
[FIN DU FLASHBACK]
Le silence fut brisé par un souffle rauque.
— Je suis désolé, fiston…
Les deux s’enlacèrent. Rook ferma les yeux. Un instant de paix dans le chaos.
Jusqu’à ce qu’Ashen lève un doigt :
— C’est pas pour casser l’ambiance, mais Magi est toujours en danger, vous savez.
Silence gêné. Rook recula. Le gorille soupira.
— Il a raison.
Mais déjà… une brume humide s’élevait dans l’air.
Ashen toussa. Sa peau picotait. Sa corne s’éteignit.
— …C’est quoi ce bordel ?!
Deux créatures sortirent de l’ombre. Des silhouettes amorphes, grotesques. L’une suintait, l’autre sifflait.
Ashen chancela. Sa peau ne chauffait plus. Il n’arrivait pas à appeler le feu.
Une voix grésilla dans l’ombre :
— Alors… tu as changé de camp, le gorille ?
C’était le cafard. Encore vivant. Dégoulinant. Prêt à tuer.
Le gorille le fixa. Lentement. Et répondit calmement :
— Je suis juste là où je dois être.
Et sans attendre, il leva son poing…
BOOM.
Une frappe sèche. Colossale. Le cafard vola dans les airs, s’écrasant contre un mur comme un sac de viande pourrie.
Rook écarquilla les yeux. Ashen, au sol, à moitié conscient, murmura :
— …Stylé.