[Plan serré – Le poing du gorille]
Poing serré. Grosse main marquée, puissante.Mais surtout… humaine.
La pluie tombait. Le silence pesait, troué seulement par la respiration lourde du gorille. Ses yeux étaient rivés sur sa main. Il tremblait. Pas de peur. De souvenirs.
Un pas en arrière, dans le passé.
[FLASHBACK – Dix ans plus tôt, avant la bombe]
Il s’appelait Garen.Chef cuisinier dans un petit resto de périphérie, pas bien fameux, mais chaleureux.Le Nuke Café, un nom devenu prophétique.
Ce matin-là, il avait accompagné son fils, Rook, à la frontière de la ville.
— Tu sais pourquoi tu vas devoir passer seul… n’est-ce pas ?Rook hocha la tête sans trop comprendre.
— Ils laissent passer que les enfants aujourd’hui. Pas les adultes. Pas les “inutiles”.Il avait dit ça sans colère, juste avec un petit sourire triste.
Il s’agenouilla, plaça ses mains sur les épaules de Rook.
— Tu te rappelles ce que je t’ai dit ?— Si jamais on est séparés… je t’attends au Nuke Café. Là où tu travailles.— Exactement. Peu importe ce qui arrive, je te retrouverai. Promis.
Et Rook était parti.
Garen était resté. Et puis la bombe était tombée.
Un flash. Une onde de choc.Son corps avait volé. Il n’était qu’à quelques mètres de la source.Une brûlure totale. Plus aucun nerf actif. Paralysé.Il ne pouvait plus parler. Juste penser.
Il est en vie… Mon fils est en vie. Il était plus loin de la ville… Il a dû s’en sortir…
Il vit des scientifiques approcher. Il ne pouvait pas les appeler. Juste… souffler. Un dernier souffle.
— S’il… vous plaît… emmenez-moi… là… mon fil…
Et puis… le noir.
Mais ils ne l’ont pas laissé mourir.
Ils lui injectèrent de l’ADN de gorille. Pour réparer. Pour reconstruire.
Mais ce n’était plus vraiment lui.
Il ne sentait plus la cuisine dans ses mains. Il ne sentait plus rien.
Il est resté enfermé. En sommeil.Dix ans.
Jusqu’à aujourd’hui.
[Retour – Devant La Griffe]
Deux monstres surgissent des ombres.L’un est tout en crocs et membres tranchants, comme un crabe déformé.L’autre est un long serpent humanoïde, recouvert d’écailles noires, ses bras longs comme des fouets.
Le gorille – Garen – leur fait face, seul. Le regard froid. Résolu.
Le crabe charge. Vitesse monstrueuse.
Mais Garen anticipe.Son bras fend l’air. Un uppercut sec.La mâchoire du monstre craque. Il s’envole et s’écrase contre un mur.
Le serpent bondit, attaque par le flanc.Il fouette, fouette encore. Des bruits secs, des claquements violents.
Garen serre les dents. Avance sous les coups.Chaque pas soulève la poussière.Puis il l’attrape.
Une prise d'épaule. Un tour complet.Le sol se fissure quand il l’écrase.
Les deux monstres ne bougent plus.
Il respire. Fort. Il se tourne…
BOOM.
Un éclair. Une décharge bleue.Une partie de son épaule disparaît, désintégrée net.
Le chef est là.Silhouette en imper, blasteur encore fumant dans les mains.
— Tu oses nous trahir après tout ce qu’on a fait pour que tu restes en vie ?
Il lève le canon.
— Alors tu vas payer.
Le gorille chancelle. Mais il tient debout. Encore.
Il regarde Rook. Une dernière fois.
— Je… j’ai pas pu être là pendant ces années… Mais te revoir… savoir que t’es vivant…C’est assez pour moi.
Son corps tombe. Inerte. Un géant au sol.
[Un silence. Puis la rage.]
Rook, figé, les poings tremblants.
Ses yeux virent au rouge.
Une corne pousse lentement sur son front. Plus large. Plus brute.Des veines épaisses pulsent sur ses bras.Le taureau se réveille.
Il rugit. Et fonce.
Le chef n’a pas le temps de viser.Rook l’écrase à travers un mur.
Et un deuxième.
Et un troisième.
CHAK. CHAK. CHAK.Chaque poing martèle la chair. L’os. Le métal.
La terre tremble.
Une rafale de coups. Des centaines.
Jusqu’à ce que… le corps ne bouge plus.
Mais c’est là que l’hologramme se brise.
Un rire résonne. Faux. Numérique.
— Tu croyais que je viendrais en personne ?— C’est mal me connaître, petits rats.
L’image du chef s’affiche dans les airs.Froid. Propre. Intact.
— Continuez de courir. Continuez de brûler. Moi… je vous regarderai tomber.
L’image s’éteint.
[Retour dans la salle – Silence brisé]
Magi titube dans le couloir. Toujours ligotée.
Rook, encore haletant, la voit et court vers elle. Il brise ses liens.
— Eh… t’es le gars du banc, toi, non ?— Ouais. Mais maintenant je suis juste… un gars.
Elle aperçoit le corps du gorille. Devine. Comprend.
— Je… Je suis désolée pour toi.
Il ne dit rien. Son regard est loin.
Ashen ouvre les yeux. Faible. Mais conscient.
— Je vous ai entendus, murmure-t-il. Toute la scène.Tu sais quoi, Rook ? On va le retrouver, ce "chef".Et on va lui mettre la déflagration qu’il mérite.
Il ferme les yeux. Encore faible.
Magi essuie une larme. Se redresse.
— Mais là… il se fait tard.
Rook hoche la tête.
Ashen, encore à moitié dans les vapes, sourit faiblement.
— Demain… on commence l’entraînement.
Et tous les trois sortent, la nuit sur leurs épaules.Une destination.
Un rendez-vous.