Chapitre 7 : La Fureur du Prédateur

Le claquement de la porte d'entrée avait résonné dans l'appartement luxueux comme un coup de tonnerre, arrachant Alexandre Valois à sa frénésie. La silhouette chancelante de Maïa, disparaissant dans la cage d'escalier, était une image qu'il n'avait pas anticipée. Surprise, puis une rage aveugle, embrasa son visage. Elle était partie. Elle avait osé le défier, le laisser, lui, Alexandre Valois, dans cette situation humiliante.

La femme blonde, une certaine Léa, s'était recroquevillée dans le lit, les yeux écarquillés par l'horreur des dernières minutes. « Alexandre ? Qu'est-ce qui se passe ? » Sa voix était un filet plaintif.

Alexandre l'ignora. Son esprit était un tourbillon. Maïa. Maïa avait fui. La stérile. L'incapable. Il avait l'habitude de la voir se soumettre, plier sous le poids de ses mots, de ses coups. Mais cette fois… cette fois, elle avait fui. C'était une trahison, un affront inacceptable à son autorité, à son image.

« Maïa ! » hurla-t-il, un son rauque et guttural. Il se précipita hors de la chambre, le corps toujours à moitié nu, le drap traînant derrière lui. Il atteignit la porte d'entrée, l'ouvrant en grand. Le couloir était vide. Le silence était un affront. Il se pencha par-dessus la rampe, apercevant au loin les lumières vacillantes du rez-de-chaussée. Il ne pouvait pas la laisser s'enfuir. Non. Jamais.

La fureur lui donnait une énergie décuplée. Il dévala les escaliers à grandes enjambées, manquant de trébucher plusieurs fois, sa rage le consumant. « Maïa ! Reviens ici, garce ! » Ses hurlements résonnaient dans la cage d'escalier, froids et menaçants. Il l'aperçut juste au moment où elle s'engouffrait dans un taxi qui démarrait en trombe.

« Arrêtez ! » cria-t-il, courant dans la rue, agitant frénétiquement les bras. Le taxi, indifférent à sa fureur, s'éloigna dans la nuit. Alexandre resta là, haletant, le torse nu sous le froid, le souffle court, le regard fixé sur les feux arrière qui disparaissaient.

Un grondement lui échappa, une bête blessée et enragée. Personne ne quittait Alexandre Valois sans sa permission. Personne ne le défiait. Et surtout pas Maïa, la femme qu'il avait sortie de sa modeste existence, qu'il avait couverte de luxe. Il était hors de question qu'elle s'en tire comme ça.

Il remonta les marches quatre à quatre, son esprit travaillant à toute vitesse. La honte et la fureur se mêlaient. La blonde était toujours dans le lit, terrifiée. Il devait agir. Vite.

De retour dans l'appartement, il attrapa un peignoir et son téléphone. Ses doigts tapèrent un numéro familier, celui de son avocat, Maître Dubois, même s'il était au milieu de la nuit.

« Dubois ! » lança Alexandre, sans préambule. Sa voix était sifflante, pleine d'une rage contenue. « J'ai un problème. Ma fiancée… elle a fui. Je veux que tu fasses le nécessaire pour qu'elle ne puisse pas s'approcher de moi, qu'elle ne puisse rien réclamer. Je veux qu'elle ne puisse plus rien faire. »

De l'autre côté de la ligne, Maître Dubois, à peine réveillé, tenta de comprendre. « Monsieur Valois ? Fui ? Calmez-vous. Qu'est-ce qui s'est passé ? »

« Elle a pété les plombs ! Une crise d'hystérie. Elle a brisé des choses, elle m'a agressé. Je veux qu'elle paye. » Alexandre mentait, son imagination tordue créant déjà une réalité alternative pour se dédouaner. « Je veux qu'on la rende responsable de ce qu'elle a fait. Et je veux qu'elle ne reçoive rien. Pas un centime. »

« Monsieur Valois, nous devons être prudents. Si elle vous a agressé, il faut déposer plainte. Mais vous ne pouvez pas l'empêcher de réclamer une part de vos biens si vous n'êtes pas mariés. Et son emploi ? »

« Fais ce qu'il faut ! Utilise toutes les ressources que nous avons. Je veux qu'elle soit incapable de nuire. Qu'elle ne trouve plus de travail dans cette ville, qu'elle ne puisse rien faire ! » Alexandre était obnubilé par la vengeance, par le désir de la punir pour son affront. « Fais courir le bruit qu'elle est instable, une opportuniste qui a essayé de profiter de ma fortune. Je te donne carte blanche. Et prépare un dossier pour un divorce, ou l'annulation de nos fiançailles, avec des clauses de confidentialité strictes. Je ne veux pas que cette histoire salisse mon nom. »

Maître Dubois, pragmatique et habitué aux caprices de ses clients fortunés, acquiesça, notant les instructions. « Très bien, Monsieur Valois. Je m'en occupe dès la première heure. Reposez-vous. »

Alexandre raccrocha, un sourire tordu apparaissant sur ses lèvres. Maïa croyait pouvoir s'en sortir ? Elle ne connaissait pas la puissance d'Alexandre Valois. Il allait s'assurer qu'elle regrette amèrement d'avoir croisé son chemin.

Il retourna dans la chambre, où Léa, blême, essayait de s'habiller à la hâte. « Je… je devrais y aller, Alexandre. »

« Non, reste, » ordonna-t-il, d'une voix plus calme, mais toujours empreinte d'une autorité glaciale. « Tu n'as rien vu. Et tu ne diras rien à personne, n'est-ce pas ? » Ses yeux la transperçaient.

Léa déglutit, effrayée. « Non, non, bien sûr. Je… je n'ai rien vu. »

« Bien. Maintenant, je dois aller me changer et faire quelques appels. Tu peux… te rhabiller. Et sois prête à jurer sur l'honneur que j'étais seul lorsque cette folle a fait irruption. »

Alexandre se vêtit rapidement, son esprit en ébullition. Il commença par appeler son majordome, lui ordonnant de retirer toutes les affaires de Maïa de l'appartement. « Je ne veux plus voir une seule de ses affaires ici d'ici demain matin. Tout dans des cartons, et direction la benne. »

Puis, il appela sa mère, Éliane.

« Maman, » dit-il, sa voix feignant un calme forcé. « Tu avais raison à propos de Maïa. »

« Alexandre ? Qu'est-ce que tu racontes ? Il est presque deux heures du matin ! » Éliane, malgré l'heure, avait une pointe de curiosité dans la voix.

« Maïa est partie, » annonça-t-il, un mélange de triomphe amer et de fausse désolation. « Elle a eu une crise de nerfs. Elle est… instable. Elle est devenue violente. J'ai été obligé de la laisser partir. »

« Violente ? » La surprise d'Éliane était palpable, mais très vite, elle fut remplacée par une satisfaction à peine voilée. « Ah, je m'en doutais ! Je l'ai toujours dit, cette fille avait quelque chose d'étrange. Tellement… commune. Et incapable, bien sûr. Donc, elle est partie ? »

« Oui. Et je vais faire en sorte qu'elle ne nous cause plus de problèmes. Je veux que tu préviennes toutes tes connaissances, tous ceux qui pourraient la croiser. Qu'elle est indigne de confiance, qu'elle est instable. »

« Oh, Alexandre, mon chéri ! » La voix d'Éliane était empreinte d'une joie mauvaise. « C'est une excellente nouvelle ! Enfin ! Tu vas pouvoir refaire ta vie, trouver une femme digne de porter notre nom. Une femme qui te donnera un héritier ! » Elle gloussa. « On a déjà quelques contacts pour toi, tu sais. Des jeunes filles de bonne famille, très fertiles… »

Alexandre la laissa parler, savourant sa victoire. Il avait transformé sa propre honte en un récit où il était la victime et Maïa la coupable. La machine à rumeurs de la haute société allait se mettre en marche. Maïa ne pourrait rien faire.

Pendant les jours qui suivirent, Alexandre mit son plan à exécution avec une efficacité redoutable. Il se rendit au travail, affichant un visage sombre et préoccupé, laissant planer le mystère sur ce qui s'était passé. Discrètement, il fit circuler des rumeurs sur l'instabilité de Maïa, sur ses "problèmes psychologiques" qui auraient entraîné la fin de leurs fiançailles. Le cabinet de conseil où Maïa travaillait fut contacté par un intermédiaire d'Alexandre, semant le doute sur son professionnalisme et sa fiabilité. Des insinuations subtiles, mais dévastatrices dans le monde feutré de la finance.

Il était persuadé d'avoir brisé Maïa, de l'avoir réduite à néant. Pour lui, elle n'était plus qu'un pion qu'il avait déplacé, puis jeté. Il se délectait à l'idée qu'elle se retrouverait seule, sans argent, sans réputation, prouvant ainsi qu'il était le seul maître à bord. Sa fureur se transformait en une satisfaction glaciale, la satisfaction du prédateur qui a dominé sa proie.

Cependant, au fond de lui, une anxiété latente persistait. Une minuscule voix lui murmurait que Maïa n'était pas aussi faible qu'il le pensait. Il se rappelait ses yeux, la colère froide qui y avait brillé juste avant qu'elle ne s'effondre. Et si elle ne se laissait pas faire ? Et si elle parlait ? Non, impossible. Personne ne croirait une femme instable contre Alexandre Valois.

Il avait beau se rassurer, les images de la fuite de Maïa le hantaient par intermittence. La façon dont elle s'était traînée, la détermination dans ses gestes, son silence obstiné. Il avait tenté de l'anéantir, de la réduire à néant, mais quelque chose dans son regard lui avait fait pressentir qu'elle n'était pas complètement brisée.