Une lumière verte, vive, aveuglante, explosa autour de lui. Elle n'était pas chaude. Ni douce. C'était une pulsation contre-nature, un cri de l'univers, une correction impossible, comme si les lois du réel avaient été brutalement tordues pour recoller ce qui ne devait plus exister. Ethan hurla. Ses nerfs... se reconnectaient. Ses muscles... se reformaient. Ses os... repoussaient. Centimètre par centimètre. Fibre par fibre. Dans une douleur si atroce, si démesurée, qu'il en vomit du sang. Son corps convulsa, tremblant comme une feuille battue par une tempête. Il n'était plus homme il était chair en mutation, matière brute façonnée par une volonté étrangère. Mais quelque chose partit. Quelque chose qu'il ne reverrait jamais. Quelque chose de plus précieux que sa vie. Son nom. Son identité.
Un vide glacial naquit au creux de sa poitrine. Pas une douleur. Pas une brûlure. Non... une absence. Un gouffre intérieur, froid, muet, incompréhensible mais d'une certitude absolue. Il avait perdu quelque chose. Il ne savait plus quoi. Mais il le sentait. Il n'était plus Ethan Auniday. Il n'était plus personne.
« Soins effectués.
Suppression de votre nom : Ethan Auniday
de l'Ordre Universel. »
Ces mots résonnèrent dans son esprit comme une condamnation divine. Une sentence irrévocable, inscrite au fer rouge dans son âme. Mais il n'avait pas le temps de comprendre. Pas maintenant. Pas ici.
Le sang ruisselait encore sur son torse. Ses jambes tremblaient. Son souffle était rauque. Et pourtant, il se releva. Titubant. Trempé. Démembré puis recomposé.
Un homme vidé... mais vivant. L'instinct le guida. Le reste était silence. Il courut. Son pied nu frappait la roche brute, glissaient sur les flaques poisseuses. Il trébuchait sur des pierres, des restes, des armes abandonnées. Il ne voyait presque rien. Son esprit n'était qu'un amas de peur, d'adrénaline, de dissociation pure. Il fuyait. Derrière lui, le carnage continuait. Le deuxième lancier n'eut même pas le temps de crier. Le Ravageur bondit.
SLASH.
La tête du soldat roula dans la poussière. Le bouclier tomba, inutile, vide de son porteur, glissant sur le sol dans un bruit sourd. Le mage, debout à peine quelques mètres plus loin, cria un sort. Des cercles magiques apparurent dans les airs, bleus, tremblants, incandescents. Ils pulsaient d'énergie instable, tournaient à une vitesse folle... mais c'était trop tard. Le monstre était déjà sur lui.
Une langue noire, immense, serpentine, surgit de la gueule du Ravageur, s'enroula autour de sa gorge. Elle se contracta. Lentement. Cruellement. Le hurlement du mage se brisa en un gargouillis atroce. Il s'effondra, les yeux écarquillés, les cercles de mana explosant dans le néant.
Le chef, l'homme à la hache, se retourna. Ses bottes ensanglantées écrasèrent un crâne. Son regard croisa celui du monstre. Son visage, dur, impassible, se crispa d'un pli d'horreur lucide.
— « Bordel... On est tombés dans un nid... ! »
Mais Ethan, le Sans-Nom, désormais courait toujours. Il ne regardait pas en arrière. Il ne pouvait pas.
Son souffle râpait sa gorge. Son sang tapait dans ses tempes. Il courait dans les ténèbres, à travers la douleur, à travers le vide qu'il ne comprenait pas. Les larmes brouillaient sa vision. La boue couvrait ses jambes. Il glissait, trébuchait, se relevait. Encore. Encore. Encore.
Il courut encore. Jusqu'à ce que ses jambes menacent de céder.
Jusqu'à ce que son cœur cogne contre sa poitrine comme un tambour de guerre.
Et enfin... la lumière. Un point, d'abord flou, perdu dans la pénombre. Puis plus net. Plus proche. Un halo blanchâtre filtrant à travers une fissure béante dans la roche. La sortie. Il tituba vers elle, chaque pas un supplice, chaque souffle arraché à la douleur. Le froid se fit sentir. L'air devint moins étouffant. Plus vif. Réel.
Et lorsqu'il franchit enfin le seuil de pierre et de cauchemar, son corps s'effondra à genoux sur la terre craquelée. Ses bras s'écartèrent. Sa tête tomba en arrière.
Et Ethan ou ce qu'il restait de lui pleura. Le visage levé vers un ciel inconnu, il haletait, des sanglots silencieux secouant ses épaules nues, tandis que les restes de larmes traçaient des sillons humides dans la crasse et le sang sur ses joues.
L'air le gifla. Froid. Brutal. Réel. Mais ce monde... ce n'était pas le sien. Le ciel au-dessus était un linceul de nuages gris. Une brume dense rampait sur le sol, tordue, vivante, donnant à l'environnement une allure de rêve malade, irréel, déformé. Mais c'était de l'air. Et il en prit une bouffée, comme un noyé qui brise enfin la surface.
Il s'écroula sur la terre sèche, les genoux dans la poussière, le torse agité de tremblements incontrôlables.
— « Pourquoi... ? » Sa voix était brisée. Râpeuse. Faible.
— « C'est quoi tout ça... Je suis où... Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça... ? »
Aucune réponse. Seulement le vent. Et puis... des pas. Lents. Boiteux.
Etouffés par la pierre et les cendres. Ethan se figea.
Il tourna la tête, les yeux écarquillés par la peur... et vit le mage.
Sa silhouette émergeait lentement de la brume qui s'échappait encore de la gueule béante de la grotte. Son bâton avait disparu. Sa tunique pendait en lambeaux. Des marques profondes cerclaient son cou, noires, gonflées, comme des anneaux de strangulation laissés par une entité étrangère. Il boitait, son visage blême, creusé, trempé de sueur et de sang. Un filet rouge glissait lentement de ses lèvres. Ses yeux, rougis par la douleur, se posèrent sur Ethan. Et sa voix, rauque, étranglée, cracha.
— « Toi... »
Il s'arrêta, chancela, s'appuya sur un rocher.
— « Comment... c'est possible ? Ton bras... ta jambe... »
Son regard était incrédule. Un mélange de peur... et de fascination.
Ethan resta muet. Il ne savait pas quoi dire. Il ne savait même plus qui il était. Le mage secoua la tête. Comme s'il refusait de comprendre.
— « Peu importe. » Sa voix se fit plus pressante.
— « On doit s'éloigner d'ici. Maintenant. Ce nid... il va attirer d'autres bêtes. Si on reste... on est morts. »
Il se retourna. Son regard se perdit à l'horizon. Une forêt noire s'étendait là-bas, comme un mur vivant, hérissé d'arbres tordus aux branches semblables à des crochets. Chaque tronc semblait tordu par la souffrance, comme si la nature elle-même avait été violée par ce monde. Le mage tendit la main vers Ethan. Une main tremblante, presque spectrale.
— « Allez, gamin... »