Chapitre 9 – Rien n’a changé. Mais tout a bougé.

🕒 Lundi – 8h06 – Devant le portail du lycée Victor-Hugo

Les grilles s’ouvrent doucement. Le bruit métallique résonne à peine, recouvert par les bavardages du matin.

Juno traverse la rue, capuche rabattue, sac sur l’épaule. Il entre, calme. Toujours le même pas.

Mais cette fois, il y a quelque chose de différent. Pas un silence pesant. Juste… des regards. Pas trop insistants. Pas trop longs. Mais là.

Des groupes discutent, d'autres rigolent sur un Snap ou un extrait de match. Personne ne lui parle. Mais tout le monde sait qui il est. Et ce qu’il a fait vendredi.

> “C’est lui Juno non ?” “Ouais, le nouveau. Il a mis Kael au sol.” “Mais Kael s’est relevé, frère. Il l’a pas humilié non plus.”

L’ambiance n’est pas hostile. Pas tendue non plus. Juste… consciente.

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🕘 8h48 – Salle 1-06 – Philosophie

Le tableau est encore marqué de la semaine dernière. La prof arrive, lâche un “Bonjour” sans lever les yeux.

Juno s’installe au fond, près de la fenêtre. Il regarde dehors, appuie sa joue contre sa main.

Pas envie d’écrire. Pas envie d’écouter. Il capte le vent, les ombres qui bougent, les silhouettes qui traversent la cour.

Et puis, soudain, cette sensation.

> Quelqu’un le regarde. Pas la prof. Pas un élève. Un regard plus froid. Plus loin.

Il jette un œil dans la vitre. Le reflet est vide. Mais son corps sent quelque chose que ses yeux ne voient pas. Un frisson discret, un micro-signal.

Il note trois mots sur son cahier. Juste pour occuper sa main. Son cerveau, lui, reste en alerte.

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🕙 10h13 – Couloir A

Kael marche. Tête droite. Rythme lent. Un pansement discret sur le sourcil.

Les élèves s’écartent sans crainte. Pas par peur. Par respect.

Il a tenu tête à Juno. Il a pris des coups. Il s’est relevé. Ça, dans le bloc, ça compte.

Juno sort de classe. Ils se croisent à quelques mètres. Leurs regards se frôlent. Aucun mot. Aucun défi. Mais une tension tranquille. Une reconnaissance.

Pas d’ennemi ici. Juste deux trajectoires qui ne se croisent plus pour l’instant.

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🕛 12h00 – Cour intérieure

Le soleil tape doucement. Ambiance déjeuner. Quelques rires.

Juno mange un sandwich posé sur un muret. Pas de musique. Pas de téléphone. Juste lui.

Mais il sent encore ce truc. Ce micro-décalage. Un poids dans son dos. Une vibration dans l’air.

Il tourne la tête. Rien d’étrange. Mais un gars, adossé à un grillage, le regarde depuis longtemps. Téléphone à la main, écouteurs dans les oreilles. Bouge pas.

Juno reste calme. Il ne le fixe pas. Mais il sait. Quelqu’un le surveille. Ou le teste. Ou juste… prend la température.

Il finit de manger. Se lève sans se presser. Et quitte la cour sans détour.

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🕓 16h47 – Salle 2-12 – Fin des cours

La cloche sonne. Les élèves râlent, traînent, certains rigolent. Un lundi banal.

Juno range ses affaires, laisse les autres passer devant. Dans le couloir, il sent l’agitation normale revenir : discussions, vannes, clashs pour rigoler.

Mais au fond de tout ça… un calme intérieur reste en lui.

Et ce regard aussi. Toujours là. Pas agressif. Pas pressé. Juste… insistant.

Il descend les escaliers sans se presser. Pas de regard en arrière. Mais il tend l’oreille. Et parfois, entre deux rires, il capte ce silence qui colle. Ce blanc entre les voix.

Il passe devant un miroir fendu dans un couloir. Un de ces vieux trucs fixés au mur, censé élargir l’angle des surveillants.

> Il se voit. Mais il voit aussi un dos derrière lui, loin. Peut-être un hasard. Peut-être pas.

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🕔 17h21 – Rue des Acacias

Il rentre. Comme d’habitude. Même rue. Même trottoir. Même rythme.

Mais aujourd’hui, quelque chose le suit. Il le sent.

Une ombre floue. Une impression. Il se retourne au coin de la rue. Personne. Un vélo passe. Une portière claque. Rien d’anormal.

Il s’arrête une seconde devant un magasin fermé. Regarde son reflet dans la vitrine. Son visage est neutre. Mais ses yeux cherchent.

> Ce genre de regard-là, il l’a déjà senti ailleurs. Avant. Quand il était encore… pas comme maintenant.

Il pousse la porte de l’immeuble. Pas un mot. Pas un bruit.

Il monte l’escalier. Lentement. Chaque marche grince un peu.

Il jette un dernier regard en bas avant d’atteindre son palier. Personne. Silence. Mais cette fois, c’est pas vide. C’est juste… invisible.

> Si quelqu’un le suit vraiment… Il finira par se montrer.

Mais pas ce soir. Pas encore.