Chapitre 12 – Une Cause, Une Cible

Lundi – 14h30 – Salle de rangement – Suite

Kael se rassoit. Le tableau est resté ouvert.

Les lignes, les blocs, les flèches. Toute la structure du lycée.

Et tout ce que Juno n’a pas encore touché.

— « Tu veux savoir ce que Malek fait vraiment ? »

Juno hoche légèrement la tête.

Kael pointe une zone du tableau.

— « Il tient les premières par la gorge. Pas juste avec ses poings.

Il a du monde. Il a des infos. Il surveille tout.

Tu lèves la tête dans ce bâtiment sans qu’il sache, c’est un miracle. »

Il s’appuie contre la chaise. Regarde Juno droit dans les yeux.

— « Il a instauré un équilibre. Un règne par la peur.

Pas assez méchant pour tout écraser. Mais assez malin pour que personne n’ose. »

Kael pose le marqueur.

— « Et c’est là que toi tu déranges. »

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14h33 – Une présence inattendue

Il tape deux fois contre la table.

— « Entre. »

La porte s’ouvre doucement.

Une fille entre, sac en bandoulière, sourire tranquille, chewing-gum dans la bouche.

Tresses longues, majoritairement noires, avec quelques mèches blondes tressées à l’intérieur.

De grandes lunettes teintées rose couvrent une partie de son regard, mais pas son air vif.

Elle avance comme si elle connaissait déjà la pièce.

— « Yo. Vous parlez stratégie ? »

Kael présente calmement :

— « Kadiatou. C’est notre informatrice.

Elle sait écouter sans se faire voir. Elle parle quand il faut, jamais avant. »

Elle fait un clin d’œil à Juno :

— « Je suis ton radar. Si quelque chose bouge dans les couloirs, je te dirai.

Mais évite de faire des vagues pour rien, hein ? »

Juno la fixe. Il n’est pas du genre à faire confiance facilement.

Kael sourit :

— « Tu vas t’y faire. Elle est déjà au courant de beaucoup de choses… plus que moi parfois. »

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14h36 – Le doute de Juno

Un silence passe.

Juno, bras croisés, regarde toujours le tableau.

Puis il lève les yeux vers Kael :

— « Et pourquoi je ferais tout ça ? »

La question tombe. Lourde. Sèche.

Kael s’appuie sur ses coudes. Il le fixe.

— « J’le sais pas exactement. Mais j’sais que t’es pas ici par hasard.

J’sais que t’es pas juste venu foutre des coups pour grimper dans la cour. »

Pause.

— « Tu sais ce qu’il se passe dehors, Juno ?

Des centaines de jeunes comme nous qui tombent chaque année.

Pour des histoires de quartiers, de territoires, de fierté mal placée. »

Son ton reste calme. Pas moralisateur. Juste brut.

— « Des rixes qui terminent en funérailles.

Des familles qui pleurent pour des enfants qu’ils reverront jamais.

Et pendant que les gamins s’entretuent, y’en a qui profitent.

Des anciens, des dealers, des gars dans l’ombre.

Ils se remplissent les poches pendant que ça saigne. »

Il marque un temps.

— « Si on brise la pyramide…

Si on prend le contrôle, vraiment,

on peut empêcher tout ça.

On peut couper les racines de cette violence. »

Kadiatou s’est tue. Son sourire a disparu. Elle regarde Juno sans bouger.

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14h42 – L’ambition se déclare

Juno baisse les yeux. Long silence.

Il souffle doucement par le nez.

Puis :

— « Très bien. Je vais t’aider. »

Kael reste immobile.

Juno relève la tête, son regard dur :

— « Mais sache un truc.

Je veux pas juste prendre cette ville. »

Il se lève. Fixe le tableau. Puis fixe Kael :

— « Je veux tout le pays. »

Kael sourit, sincèrement cette fois.

— « OK. Ça me va. »

Ils se serrent la main. Fort. Pas un mot de plus.

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14h45 – Le poids du passé

Kael relâche la poignée, s’apprête à ranger le tableau.

Mais Juno le stoppe.

— « Attends. J’dois te parler d’un truc. »

Kael se rassoit.

— « Y’a une semaine, juste après avoir mis Kael à terre…

On m’a suivi. Filé. Traqué. »

Il regarde Kadiatou une seconde, puis revient sur Kael.

— « Le gars, j’l’ai coincé dans une ruelle.

Il a essayé de me poignarder. »

Kael se tend.

Juno continue, calme :

— « J’l’ai neutralisé. Il a hurlé un “attrapez-le”

Et sept gars m’ont encerclé. »

Il baisse la tête. Se souvient. Revoit les coups.

Le sang. Le silence.

— « Je les ai mis tous au sol. Un par un.

Mais celui qui m’espionnait… il s’est échappé. »

Kael est resté silencieux.

Juno le fixe :

— « Tu vois pourquoi j’me méfie.

Et pourquoi j’suis pas là pour jouer. »

Kael acquiesce. Lentement.

> La pièce reste silencieuse.

Les bases sont posées.

La pyramide commence à trembler.