Le voyage d'affaires s'est déroulé comme prévu. Enfin, presque. Gabriel et moi sommes arrivés dans la petite ville où se tiendra la réunion avec nos clients, et tout semblait sous contrôle. Les préparatifs, les dossiers, le planning — tout était soigneusement organisé. Pourtant, ce qui se passe en ce moment ne figure dans aucun de mes plans.
Nous sommes à l'accueil de l'hôtel, prêts à récupérer nos clés pour les deux chambres que nous avons réservées. Mais l'employé derrière le comptoir vient de nous annoncer une complication inattendue.
"Je suis vraiment désolé, messieurs," dit-il, son regard légèrement gêné. "Il semble que nous ayons fait une erreur lors de la réservation. Malheureusement, il ne reste plus qu'une seule chambre avec un lit king-size. Toutes nos autres chambres sont occupées."
Je sens Gabriel se tendre à côté de moi, et mon propre cœur rate un battement. Partager une chambre… un lit… pendant deux jours ? L'idée me frappe avec une intensité que je ne m'attendais pas à ressentir. La tension entre nous est déjà palpable au bureau, mais cette situation... elle nous force à une proximité que je ne suis pas sûr de pouvoir gérer.
"Je suis désolé pour ce contretemps," reprend l'employé. "Nous pouvons vous offrir un dédommagement, bien entendu. Toutes vos consommations seront à nos frais."
Je jette un coup d'œil à Gabriel, cherchant une réaction. Il se contente de hocher la tête, son visage impassible, bien que je puisse déceler une certaine hésitation dans son regard.
"C'est... bon," dis-je finalement, ma voix un peu plus calme que je ne le ressens réellement. "On va faire avec."
L'employé nous tend la clé, et nous montons en silence dans l'ascenseur. La tension monte progressivement à mesure que nous approchons de la chambre. Je ne sais pas ce que pense Gabriel, mais moi… je sens que cette proximité imposée risque de rendre les choses encore plus compliquées.
La chambre est spacieuse, élégante, mais tout ce que je remarque, c'est le grand lit au centre de la pièce. Un seul lit.
"Je vais... prendre un verre au bar," murmure Gabriel soudainement, cassant le silence qui s'est installé entre nous. "Je te laisse t'installer."
Avant que je puisse répondre, il attrape sa veste et quitte la chambre d'un pas rapide, presque précipité. Je me retrouve seul, debout au milieu de la pièce, fixant le lit comme s'il s'agissait d'un obstacle insurmontable.
Je passe une main sur mon visage, essayant de me reprendre. Il faut que je me détende. C'est juste une nuit dans une chambre d'hôtel. Rien de plus. Je décide de profiter de l'absence de Gabriel pour aller me doucher. Peut-être que l'eau chaude m'aidera à me remettre les idées en place.
Sous la douche, je ferme les yeux et laisse l'eau couler sur mon visage, essayant de calmer mon esprit. Ces derniers jours, la tension entre Gabriel et moi est devenue presque insupportable. Au bureau, il y a toujours cette proximité, ces regards échangés, et maintenant... ce voyage d'affaires qui nous force à partager plus que ce que nous devrions.
Je secoue la tête sous le jet d'eau, tentant de chasser ces pensées. C'est juste du travail, je me répète en boucle. Nous sommes ici pour une réunion importante, pas pour… autre chose.
Après un moment, je sors de la douche, me sentant légèrement plus calme. Je n'entends toujours aucun signe de Gabriel, et je suppose qu'il est encore au bar. Sans vraiment réfléchir, je quitte la salle de bain, sans prendre la peine d'enrouler une serviette autour de mes hanches.
C'est à ce moment-là que je réalise mon erreur.
Gabriel est de retour. Il est là, debout dans la chambre, son regard fixé sur moi. Un silence tendu s'installe immédiatement. Je suis totalement nu, et pendant une fraction de seconde, je suis figé. Mais ce qui me perturbe le plus, ce n'est pas ma propre nudité, c'est la manière dont Gabriel me regarde.
Son regard est intense, brûlant presque. Ses yeux parcourent mon corps sans détourner le regard, et je peux voir à quel point il est troublé. Mais ce qui me désarme le plus, c'est qu'il ne tente même pas de dissimuler cette attraction. C'est comme si le contrôle que nous avions tous les deux tenté de maintenir ces derniers jours s'effondrait en cet instant.
Je reste là, incapable de bouger, ma peau encore chaude de la douche, alors que Gabriel me dévore des yeux. Je devrais me cacher, attraper quelque chose pour me couvrir, mais je n’y arrive pas. L'intensité de son regard me cloue sur place. C'est comme si ce moment entre nous, cette tension qui monte depuis des semaines, arrivait enfin à son point culminant.
Finalement, Gabriel se reprend, détournant brusquement le regard. Il se retourne et pose sa tête contre la porte de la chambre, ses épaules légèrement secouées par ce que je devine être une profonde respiration.
Je réagis enfin. Je m'empresse de saisir un caleçon dans ma valise et l'enfile rapidement. Mais l'air dans la pièce est toujours chargé d'une tension électrique, presque palpable. Je peux encore sentir l'intensité du regard de Gabriel sur ma peau, et je suis certain qu'il ressent la même chose.
"Je… désolé," dis-je finalement, ma voix plus rauque que je ne l'aurais voulu.
Gabriel ne répond pas immédiatement. Il garde la tête contre la porte, les yeux fermés, tentant de reprendre son calme. Après un moment, il se redresse et me fait face, ses yeux évitant soigneusement de croiser les miens. "Je vais me préparer pour la nuit."
Sans un mot de plus, il se dirige vers la salle de bain, me laissant seul dans cette pièce où l'air semble toujours chargé de cette tension insoutenable.
La nuit s'annonce compliquée. Le lit, aussi grand soit-il, n'est qu'un rappel constant de la proximité que nous sommes obligés de partager. Nous nous installons de chaque côté du matelas, veillant à maintenir une distance raisonnable entre nous, mais je sens encore la chaleur de Gabriel à côté de moi, et ça ne fait qu'amplifier cette tension.
Je ferme les yeux, tentant de trouver le sommeil. Mais c'est presque impossible. Chaque mouvement de Gabriel, chaque respiration me ramène à cet instant où nos regards se sont croisés. Mon esprit ne cesse de rejouer la scène en boucle. Je devrais me concentrer sur la réunion de demain, sur le travail. Mais au lieu de cela, je ne pense qu'à lui.
Finalement, le sommeil me prend, plus épuisé par mes pensées que par la journée de travail.
Le matin, quand je me réveille, quelque chose est différent. Mes bras sont enroulés autour de quelqu'un. Gabriel. Mon cœur s'accélère instantanément. Durant la nuit, nous avons bougé, et maintenant, je le tiens contre moi, son dos contre mon torse, ma main reposant doucement sur sa taille.
Je me fige, terrifié par ce que cela pourrait signifier. Avant qu'il ne se réveille, je m'éloigne doucement, essayant de ne pas le réveiller. Une vague de culpabilité m'envahit. C'était une erreur, me répété-je en silence.
"Je… désolé," je murmure, me levant doucement pour m'éloigner.
Gabriel ouvre légèrement les yeux, mais ne dit rien. Il se contente de me regarder, l'air encore perdu entre sommeil et réalité. Je détourne les yeux, tentant de reprendre contenance.
La réunion d'affaires se déroule comme prévu. Du moins, en apparence. Nous faisons face aux clients, discutons des détails, passons en revue les documents. Tout semble normal, mais à chaque fois que je tourne la tête, je surprends Gabriel à me regarder. Et moi, je fais exactement la même chose.
Nos regards se croisent encore et encore, comme si nous étions incapables de détourner les yeux l'un de l'autre, même dans ce cadre professionnel. C'est une danse silencieuse, une tension qui ne cesse de monter, et je sens que ni l'un ni l'autre ne peut la contenir encore longtemps.
Mais pour l'instant, nous faisons semblant. Nous prétendons que tout est normal, que rien n'a changé.
Mais au fond, nous savons tous les deux que ce n'est qu'une question de temps avant que tout cela éclate.